Lorsqu'elle n'était que ministre de l'Intérieur, j'avais eu l'occasion de dîner au côté de Theresa May. Elle m'avait frappé par son énergie, sa clarté, mais à aucun moment je n'avais vu en elle une nouvelle Margaret Thatcher. Theresa May semble avoir été - et la Grande-Bretagne et l'Europe avec elle - victime du principe de Peters, selon lequel on atteint très vite son niveau d'incompétence. Elle a voulu, au long de ce qui apparaît rétrospectivement comme un chemin de croix, faire preuve de résilience. Mais l'histoire retiendra son arrogance et dénoncera son impuissance.
Du côté de l'opposition, ce n'était pas mieux, en fait c'était pire. Le parti travailliste n'aurait jamais dû être pris en main par Jeremy Corbyn. Sa présence au sommet de son parti est la résultante d'une trahison familiale digne d'une tragédie de Shakespeare. Si Ed Milliband ne s'était pas dressé, de manière démagogique, face à son frère David, l'opposition travailliste aurait eu un leader digne de ce nom, en la personne de l'ancien ministre des Affaires étrangères de Gordon Brown. David Milliband aurait permis, peut-être, l'existence d'une bien nécessaire, "union des modérés" qui aurait su faire passer les intérêts supérieurs de la nation avant toute considération partisane ou idéologique. Maintenant il est trop tard.
Selon un autre sondage, 80 % des Britanniques se sentent humiliés par l'évolution du Brexit. Ils sont à leurs yeux devenus la risée du monde et, pour avoir voulu reprendre le contrôle de leur histoire, ils en ont totalement perdu le fil.
"Les hommes font l'histoire, mais ils ne savent pas l'histoire qu'ils font", écrivait Karl Marx dans Le Dix-huit Brumaire de Louis Napoléon. Rarement l'histoire, du seul fait des limites des hommes (et des femmes) en responsabilité, a-t-elle balbutié de manière aussi caricaturale. Verra-t-on demain dans le Brexit "la mère de toutes les défaites", pas seulement pour la "mère des démocraties", mais pour la démocratie représentative dans son ensemble ? Le spectacle que donne la Chambre des communes ressemble de plus en plus à un film des Monty Python. Jamais les scénaristes de la version initiale - anglaise - de la série télévisée House of Cards n'auraient osé imaginer un déroulé aussi "abracadabrantesque" que celui d'une Chambre qui passe son temps à voter, comme un coq à qui l'on aurait tranché la tête continue à marcher… quelques instants encore.
N'existe-t-il pas en Grande-Bretagne une instance supérieure de recours ?
Relisez la phrase de Michel Rocard qui était pourtant un grand démocrate.
«Un référendum c'est une excitation nationale où on met tout dans le pot. On pose une question, les gens s'en posent d'autres et viennent voter en fonction de raisons qui n'ont plus rien à voir avec la question ». M. Rocard
Les exemples de référendums, y compris locaux qui ont été en fait de brillantes manipulations politiques ou se sont avérés totalement inutiles, voire contre productifs, sont légions.
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