Un cadeau, et un avertissement
Dans sa lecture de la Russie de Poutine, Biden est sans illusion. Il sait bien que la stratégie offensive de Moscou va rester la même. On peut la résumer ainsi : "Si vous avez peur de ce que je peux faire pour vous déstabiliser, vous surprendre, vous garder sur la défensive, c'est que je suis sur la bonne voie". Biden sait aussi que la Russie de Poutine n'est pas sur le point de s'effondrer. La répression contre les dissidents et opposants, à commencer par Navalny, ne va pas s'atténuer.
On serait presque tenté de parler aujourd'hui d'une "biélorussisation" du pouvoir à Moscou. Hier Poutine gardait ses distances avec Loukachenko, considéré comme peu présentable. Aujourd'hui le despote de Minsk servirait presque de modèle au maître du Kremlin. L'image du pouvoir russe est certes affaiblie par sa gestion peu convaincante de la crise sanitaire. Moscou et sa région sont à nouveau confinées. La méfiance de nombreux citoyens russes à l'égard de leur propre vaccin est l'illustration de cette crise de confiance. Mais le pouvoir, bien que fragilisé, n'est pas sur le point de tomber. Avec la hausse récente du prix des hydrocarbures, ses caisses se remplissent à nouveau. Dans quatre ans, qui peut dire qui sera au pouvoir à Washington ? À l'inverse Poutine, sauf problèmes de santé ou circonstances exceptionnelles, devrait toujours être à son poste au Kremlin.
Mais être sans illusion sur Poutine et le pouvoir russe est une chose. Se résigner à la poursuite du dangereux statu quo actuel - avec le minimum d'interaction et le maximum de prises de risques du coté russe - en est une autre. Poutine doit savoir que s'il continue dans le seul registre du cynisme et de l'agressivité, sa première rencontre bilatérale avec Biden risque d'être la dernière. C'était bien là le message de Genève : un sommet qui était tout autant un cadeau qu'un avertissement au dirigeant russe.
Avec l'aimable autorisation des Échos (publié le 20/06/2021)
Copyright : Brendan Smialowski / AFP
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