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03/11/2021

L’avenir de l’investissement en Europe

L’avenir de l’investissement en Europe
 Milo Rignell
Auteur
Expert associé - IA & Nouvelles Technologies

Suite à la crise de la Covid-19, l’Europe tente aujourd’hui de relancer son économie en insistant sur sa résilience et sa souveraineté. Plus que jamais, et dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, son autonomie vis-à-vis des puissances américaine et chinoise et le développement d’un modèle de capitalisme responsable propre à l’Europe dépendent de sa capacité à financer et à refinancer son économie, ses entreprises et ses territoires. 
 
Pour aborder ces enjeux, l'Institut Montaigne et l'École du management et de l'innovation de Sciences Po organisent un cycle d'événements sur l'avenir de l'investissement en Europe. Cet article fait suite au premier événement sur la place de l’Europe dans le monde comme terre d’investissement, avec Gabriel Caillaux, Co-President, Managing Director et Responsable EMEA de General Atlantic, Hélène Rey, professeure d’économie à la London Business School, Michael Thawley,​​ vice-président de Capital Group International, et Natacha Valla, économiste et doyenne de l’École du management et de l’innovation de Sciences Po.

L’Europe dispose des leviers fondamentaux pour réussir 

L'Europe bénéficie d’autant d’opportunités de trouver des entreprises attrayantes que n’importe quel autre marché : son haut niveau d’innovation et d’entreprenariat offre de réelles occasions à un retour sur investissement conséquent. L’existence de marchés de capitaux fiables, le respect de l'état de droit, une monnaie stable et liquide et le positionnement du continent comme l’une des plus grandes régions économiques du monde font de l’Europe un marché attractif pour les investisseurs étrangers. Cette combinaison de stabilité, de sécurité et d’innovation constitue le principal atout du continent comme terre d’investissement.

Néanmoins, alors que le marché européen du non coté a globalement mûri ces dernières années, le capital risque souffre encore de l’absence de grands acteurs européens, laissant place libre aux sociétés américaines. La bourse européenne devient par ailleurs moins attrayante aux yeux des sociétés européennes par rapport au choix d’autres géographies, du fait du niveau de spécialisation plus faible des gestionnaires de fonds européens et de l’existence de règles d’introduction en bourse toujours contraignantes.

Un marché cyclique lié aux tendances macroéconomiques

Beaucoup de sociétés européennes sont exportatrices globales, avec une forte exposition à l’économie mondiale qui renforce leur attractivité mais augmente aussi leur dépendance vis-à-vis des performances étrangères.

La croissance européenne semble prête à se stabiliser plutôt qu’à continuer son augmentation. 

À court terme, et en dépit des efforts de relance budgétaire nationaux et du plan de relance "Next Generation EU", la croissance européenne semble prête à se stabiliser plutôt qu’à continuer son augmentation. Cela est largement imputable aux difficultés rencontrées dans le cadre des chaînes d’approvisionnement, souvent plus longues que prévu, et au ralentissement de la masse monétaire.

Les politiques monétaires des banques centrales continueront par ailleurs à jouer un rôle décisif dans l’attractivité du continent pour les investisseurs. Les actions de la Réserve fédérale des États-Unis ont par exemple fait grimper le prix des actifs, alors que l’impact de la Banque populaire de Chine s'est principalement limité au commerce et aux matières premières. Les actions de la Banque Centrale Européenne (BCE), elles, se situent entre les deux. Par ailleurs, les réactions des banques centrales face aux tensions inflationnistes constitueront des facteurs déterminants pour l’avenir de l’investissement sur le Vieux Continent. Si la pandémie de Covid-19 a favorisé la prolongation de taux d’intérêts bas, le retour de taux élevés demeure une réelle possibilité.

Des décisions politiques inattendues, sources d’incertitude pour les investisseurs

À date, l'Europe a toujours été perçue comme un marché relativement stable et prévisible. L'indice MSCI-EMU de l’Europe a même récemment dépassé son homologue américain, notamment grâce à sa gestion relativement efficace de la crise du Covid-19 et aux taux élevés de vaccination à travers le continent.

Cette image de stabilité doit perdurer. Cependant, certaines décisions politiques inattendues et des changements dans l'environnement géoéconomique ont favorisé l’émergence d’un climat d’incertitude parmi les investisseurs étrangers. 

Le Brexit, par exemple, a généré une pause significative des flux de capitaux vers les sociétés privées en Europe.

L’image du secteur financier semble se dégrader. Dans la plupart des pays européens, le scepticisme à son égard est à la hausse, de même que les reproches qui lui sont faits au sujet de la monopolisation des talents.

L'attitude envers l’allocation des capitaux apparaît également en pleine évolution. Il est de plus en plus clair que les gouvernements ont adopté des opinions tranchées sur la répartition des capitaux, dans les domaines de l’ESG et du financement de la transition environnementale en particulier. Alors que les investisseurs sont encouragés à investir les secteurs privilégiés par les gouvernements, ils se retrouvent davantage exposés aux effets de bulle et aux changements de politique soudains, entre autres risques. 

L’image du secteur financier semble se dégrader. Dans la plupart des pays européens, le scepticisme à son égard est à la hausse.

L’évolution de l’attitude à l’égard des investissements étrangers complique également la capacité de l’Europe à attirer des investisseurs. 

Les nouvelles règles de contrôle des investissements sont souvent appliquées de façon arbitraire, y compris aux investisseurs passifs et long terme qui devraient particulièrement intéresser les gouvernements. Ces derniers sont, par conséquent, davantage exposés à des investisseurs moins stables.

Enfin, une préoccupation majeure concerne les investissements en obligations en Europe, qui dépendent directement de la confiance des investisseurs en la politique du "quoi qu’il en coûte" mise en avant par la BCE afin de soutenir le système financier. Le moindre doute porterait un grave préjudice à la capacité du continent à attirer l'investissement étranger.

Les pistes d’action pour l’Europe

La poursuite de l’intégration financière de l’Europe, et particulièrement la finalisation de l'Union bancaire et l'Union des marchés de capitaux, constitue un facteur clé dans la gestion des différents taux de croissance des États membres, ce qui reste l'une des contradictions fondamentales au cœur de la zone euro.

Il est également vital de travailler sur la résilience de l’économie européenne afin d’éviter de potentiels problèmes qui découleraient de la hausse des taux d'intérêt.

L’Europe doit s'efforcer d'améliorer la gouvernance de l’allocation des ressources vers le développement du capital humain, afin de concurrencer de manière crédible les institutions étrangères comme Stanford ou le MIT.

Enfin, il importe de rendre l'Europe plus attractive pour les entreprises elles-même, et non uniquement pour les investisseurs. À ce titre, la simplification des règles d’introduction en bourse des entreprises nécessitant un accès aux capitaux européens constituerait un bon point de départ.

Une fois ces conditions réunies, l’Union européenne pourrait être en mesure de largement dépasser sa part actuelle de 13,5 % de la capitalisation boursière mondiale et d’attirer ainsi l’investissement nécessaire au financement des transformations profondes de son économie. 

Co-écrit avec Elise Lannaud, assistante chargée d’études.

 


Copyright : Yann Schreiber / AFP

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