Un contre-modèle sociétal
Pour qui a vécu Mai 1968, les dérapages du wokisme évoquent, de très loin, ceux du maoïsme. On ne saurait bien sûr comparer l'attraction pour un modèle qui, dans sa folie destructrice, affame sa population. Et l'esprit de revanche face à un passé qui ne passe pas. Mais on ne peut juger Jefferson aux États-Unis, ou Colbert en France, à la seule aune de leur comportement sur la question de l'esclavage.
Au milieu des années 1960, dans un livre qui fit date - "Le Défi américain" - Jean-Jacques Servan-Schreiber (JJSS) appelait l'Europe à prendre exemple sur l'Amérique : une Amérique perçue à l'époque, non seulement comme une forme d'assurance-vie ultime, face à la menace soviétique, mais comme une source d'inspiration et d'émulation. Presque soixante ans plus tard, le défi pour l'Europe n'est plus de savoir si elle est capable de s'inspirer du modèle américain. Mais si elle saura résister à la reproduction, sur son territoire, des pièges dans lesquels l'Amérique est tombée. De fait, l'Amérique est presque devenue un contre-modèle sociétal pour l'Europe. Serait-on passé insensiblement du rêve au cauchemar américain ? On disait que le présent de l'Amérique était le futur de l'Europe. Comment éviter que la polarisation de nos sociétés devienne la norme et non plus l'exception, avec la communauté musulmane potentiellement dans le rôle qui est celui de la communauté noire aux États-Unis ?
Le "Vieux Continent" ne doit pas seulement se soucier de son autonomie stratégique face aux États-Unis, mais aussi de son autonomie sociétale en défendant l'unité et la cohésion de tous ses citoyens.
Avec l'aimable autorisation des Echos (publié le 28/11/2021).
Copyright : Nathan Howard / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
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