Alors qu’Olaf Scholz se trouvait au Japon, le Bundestag adoptait une résolution appelant la Chine à œuvrer en faveur d'un cessez-le-feu en Ukraine et la mettant en garde contre un contournement des sanctions occidentales. Pékin reste le premier partenaire commercial de l'Allemagne mais, d'ores et déjà, à la suite des Verts qui depuis longtemps plaident pour un changement de stratégie, les responsables allemands adoptent une attitude plus prudente. Le ministre des Finances, Christian Lindner, souhaite refonder le modèle économique des relations avec la Chine. Le président du SPD, Lars Klingbeil, appelle à tirer les leçons du comportement de la Russie et à mettre un terme à la dépendance envers le marché chinois. Les dirigeants du patronat (BDI, AHK) ont pris conscience que le maintien de l'approche suivie pendant l'ère Merkel n'est plus de mise. Pris globalement, les pays d'Europe centrale et orientale sont des partenaires commerciaux plus importants que la Chine. La loi, qui oblige les entreprises allemandes à veiller au respect des normes sociales et environnementales dans les chaînes d'approvisionnement, entre en vigueur en 2023, elle pourrait poser des problèmes aux entreprises implantées dans le Xinjiang, où le travail forcé est répandu.
Quelles conséquences pour la politique européenne de l'Allemagne ?
L'agression décidée par Vladimir Poutine à l'encontre de l'Ukraine a aussi pour conséquence de mettre en question ce que l'historien Gerd Koenen a appelé "le complexe russe", fondé notamment sur l’idée d’"affinités spirituelles" ("Seelenverwandtschaften") et sur une complémentarité économique entre les deux pays. Ce regard russocentré, qui négligeait des pays comme l'Ukraine et la Biélorussie, et conduisait récemment encore le Président Steinmeier à justifier la construction de Nord Stream 2 par les crimes commis par les nazis en Union soviétique, assimilant la Russie à l'URSS, apparaît aujourd’hui dépassé. Au sein de l'UE, les erreurs d'analyse commises à Berlin sur la dérive du régime Poutine renforcent la main des pays d'Europe centrale et balte qui n'ont eu de cesse de mettre en garde contre la menace russe. Les sanctions et la réduction drastique des livraisons d’énergie russe vont entraîner une forte baisse du commerce bilatéral et un rééquilibrage des échanges de l'Allemagne avec cette région. Le retour à la normalité dans la relation avec la Russie est une perspective lointaine, du moins tant que Vladimir Poutine sera au pouvoir.
La reconstruction d'une culture stratégique en Allemagne est une autre conséquence attendue du conflit russo-ukrainien. La création, prévue dans le contrat de coalition, d'un conseil national de sécurité, devrait non seulement améliorer la coordination de la politique étrangère et de défense, mais aussi contribuer à la diffusion de cette culture stratégique. Le retour de la guerre sur le continent européen rend encore plus nécessaire de surmonter rapidement les difficultés que rencontrent les projets franco-allemands en matière d’armement (char, avion de combat). Il rend aussi urgente, pour le conseiller diplomatique d’Angela Merkel, Christof Heusgen, et Norbert Lammert, ancien Président du Bundestag, la constitution, en liaison avec la France, d'une "architecte européenne de sécurité comme composante autonome de l'OTAN", les capacités militaires des États-Unis restant, selon ces auteurs, indispensables à la défense du continent européen. Le temps presse, la prochaine élection présidentielle américaine ayant lieu à l'automne 2024.
Copyright : Tobias SCHWARZ / AFP
Ajouter un commentaire