À l’évidence, quand on est aussi présent sur un marché, on y investit aussi. Sur le plan de l’investissement, les atouts logistiques chinois - l’infrastructure, le rapport coût/efficacité de la main-d’œuvre - jouent indubitablement. En 2020, l’investissement direct global a baissé de 42 %, mais il a augmenté de 13 % vers la Chine, qui surpasse pour la première fois les États-Unis comme destination d’investissement direct industriel. L’analyse stratégique du découplage faite par Huang Qifan, ancien maire de Chongqing et conseiller économique influent, s’avère exacte : "La refonte des chaînes de valeur globales ne mènera pas à un découplage de la Chine (…) mais sous la pression des forces du marché, elles deviendront plus intégrées verticalement, plus diversifiées et plus résilientes". Ce raisonnement vaut aussi pour le gouvernement chinois. Les achats chinois d’entreprises à l’étranger sont souvent déterminés par des faiblesses technologiques à combler et l’ouverture au cas par cas à de grands investissements étrangers se fait souvent dans des secteurs où la Chine a besoin de compléter ses chaînes de valeur, y compris pour se prémunir contre un découplage : l’autorisation d’une implantation pétrochimique géante de BASF en 2019 ressortait de ce dernier facteur, l’accord avec Tesla à Shanghaï tiennent à ce facteur. Les ouvertures plus générales de secteurs - notamment dans le secteur bancassurance - concernent plutôt des domaines déjà saturés où des champions chinois sont bien établis.
Du côté des gouvernements étrangers, l’intérêt public commande de distinguer la sécurité nationale, la protection de technologies et d’infrastructures critiques, les règles de concurrence et ce qui serait une politique d’ateliers nationaux industriels (même à l’échelle européenne) et un protectionnisme ouvert ou déguisé. Au lieu de mener un débat idéologique et de lobbies, c’est sur les nuances dans les politiques impliquant l’investissement qu’il faut travailler.
Concluons : le verdict concernant l’opportunité, la nécessité et la viabilité d’un accord d’investissement avec la Chine n’oppose pas le politique et l’économique. Par exemple, une réforme des règles du travail en rehaussant le coût global accroîtrait les revenus, la consommation et donc le marché intérieur. La protection de l’investissement, y compris contre l’expropriation, et des règles reconnues, à commencer par le traitement national et la limitation des monopoles étatiques ou des conglomérats, sont aussi d’un intérêt fondamental pour les investisseurs étrangers. Les conditions d’application de tout accord, leur vérification et les contre-mesures éventuelles, sont primordiales quand il s’agit d’un partenaire étatique aussi puissant que la Chine. Et ce sont en définitive des questions éminemment politiques…
Copyright : YVES HERMAN / POOL / AFP
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