Certes, les deux défis soviétique et chinois sont de nature différente. La contiguïté géographique entre la Chine et l'Europe est moins directe et n'existe que si l'on considère l'Europe comme "la petite extrémité" de la péninsule euro-asiatique. La nature de la menace est aussi d'une autre nature : les chars chinois n'ont pas vocation à succéder aux chars soviétiques. Plus distante et plus indirecte que celle de l'URSS, la menace de la Chine n'en est-elle pas moins réelle ? Et les capacités d'intimidation de Pékin sont sans doute supérieures à ce qu'étaient celles de Moscou.
L'Empire soviétique n'avait pas les moyens de ses ambitions et Moscou n'était pas guidé dans son ambition de conquête par un sentiment de revanche sur l'humiliation, comme cela est - pour partie au moins - le cas de Pékin. Depuis la fin du XVIe siècle, la Russie a eu une relation complexe avec l'Occident européen, faite de volonté de rattrapage et d'instinct de rejet slavophile. La Chine impériale, elle, a mesuré son déclin à l'aune de la montée progressive des ambitions occidentales, puis japonaises. Dans sa réémergence comme puissance, la Chine est passée par trois étapes. La première, dès le début des années 1980, a consisté à ne pas laisser au Japon le monopole du miracle asiatique. La deuxième, dès la fin des années 1990, a été marquée, de façon discrète d'abord, puis beaucoup plus ouverte ensuite, par la revendication du statut de "primus inter pares" incontesté en Asie. Serions-nous entrés dans une troisième phase où l'ambition chinoise ne s'arrête plus à l'Asie ? Elle donne l'impression d'être mondiale et d'inclure désormais l'affirmation de la supériorité du modèle autoritaire sur le modèle démocratique.
Vraie nature du défi chinois
Sur un plan strictement géoéconomique, l'Australie a profité très longtemps de sa proximité géographique avec la croissance chinoise. Sur le plan géopolitique, cette proximité se retourne désormais contre elle. Canberra doit disposer de toutes les solidarités possibles "sur zone", avec le Japon, la Corée du Sud, et la Nouvelle-Zélande.
Mais, au-delà, l'Australie a besoin du soutien du monde occidental dans son ensemble. Canberra fait appel à la "géographie des valeurs" comme pour rééquilibrer sa géographie.
Il ne s'agit pas bien sûr d'étendre la garantie de l'Otan à l'Australie et plus globalement à la zone pacifique. Mais la querelle entre la Chine et l'Australie doit nous faire prendre conscience de la vraie nature du défi chinois. Pour le monde démocratique, les ambitions grandissantes et le comportement de la Chine devraient figurer au premier rang dans la hiérarchie des menaces.
Les relations transatlantiques se cherchaient un moteur, une logique depuis la fin de l'URSS. Elles l'ont trouvé.
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