Cette approche est en ligne avec une tendance de l’opinion publique capturée par un sondage publié en janvier 2021 par un think tank britannique, le British Foreign Policy Group, qui démontre que 40 % des sondés soutiennent une action en défense des droits de l’Homme en Chine.
En même temps, la Revue intégrée appelle à l’amélioration de la connaissance de la Chine, avec une formulation ambiguë, "investir dans des capacités renforcées pour faire face à la Chine" (invest in enhanced China-facing capabilities), qui suggère un soutien public à l’expertise. La Revue intégrée reste vague sur les mesures qui seront prises, mais semble reconnaître qu’une meilleure compréhension des modus operandi de la Chine, sur son sol et à l’international, est nécessaire pour défendre les valeurs démocratiques à l’étranger. En même temps, il semblerait que le Royaume-Uni reste favorable à une présence forte d’étudiants chinois dans ses universités. Avec plus de 120 000 étudiants au Royaume-Uni en 2019, la Chine formait le premier contingent d’étudiants étrangers, loin devant l’Inde. Dans l’ensemble, le même sondage du British Foreign Policy Group montre combien l’opinion publique britannique reste attachée à l’ouverture internationale du Royaume en matière d’éducation et de recherche. Ainsi, 30 % des Britanniques voient dans la présence des étudiants chinois au sein des universités britanniques un domaine d’engagement qu’ils souhaitent avec la Chine à l’avenir.
La recherche d’équilibre n’offre pas toutes les clefs pour prévoir le positionnement britannique sur nombre de sujets de politique chinoise. Il est clair que le Premier ministre Boris Johnson a tranché en faveur d’une posture de mesure, alors que depuis quelques mois, de nombreux députés, y compris au sein du Parti conservateur, revendiquaient une approche bien plus agressive à l’égard de la Chine. Cette politique plus nuancée en irrite plus d’un dans les rangs conservateurs.
La question cruciale pour la France et l’Europe est celle de savoir jusqu’où le Royaume-Uni cherchera à mettre en œuvre ces lignes directrices vis-à-vis de la Chine en se coordonnant avec ses alliés. La Chine est aujourd’hui au cœur de la relation transatlantique, mais elle est également un enjeu de coordination pour la France et l’Europe, à des degrés et sur des dossiers divers, ce avec le Japon, l’Inde et l’Australie. La Revue intégrée, en l’occurrence, garde le silence sur ce point, même si elle souligne des coopérations possibles avec la France et l’Allemagne dans l’espace Indo-Pacifique. Le défi chinois sera sans nul doute au menu de la coopération recherchée par le Royaume-Uni avec l’UE contre le réchauffement climatique, mais la Revue intégrée ne prévoit aucun dialogue stratégique sur la Chine avec aucun partenaire.
La Revue intégrée est ambitieuse. Quoi qu’elle n’énonce pas de priorités autres que celle du combat contre le changement climatique, elle annonce un investissement dans la recherche scientifique et numérique, une présence continue en Europe et un dialogue plus étroit avec l’Afrique. Elle planifie un élargissement de l’arsenal nucléaire, la création de nouvelles cellules et centres d’expertise pour gérer la sécurité militaire du pays, un investissement dans l’innovation pour l’industrie d’armement. Elle fixe l’objectif à l’horizon 2030 que le Royaume-Uni soit le principal partenaire européen dans l’Indo-Pacifique en matière de présence commerciale, sécuritaire et en soutien des valeurs démocratiques et libérales, sans insister sur la présence militaire pourtant réelle, mais limitée du Royaume-Uni dans cette région. Pour parvenir à ces objectifs, le Royaume-Uni devra faire des choix. La direction générale est fixée, mais seul l’avenir nous dira si certains des objectifs ne devront pas être revus à la baisse tant ils dépendent des propres choix de la Chine.
Copyright : JUSTIN TALLIS / AFP
Ajouter un commentaire