La déception vient d’ailleurs, dans la mise en œuvre notamment (Afghanistan, AUKUS), dans une certaine passivité (Iran), et ce qu’elle traduit d’un réalisme pragmatique, parfois brutal, flagrant sur l’Afghanistan, mais que l’on retrouve aussi sur le Moyen-Orient où le désengagement est assumé sans état d’âmes, ou encore sur l’Amérique latine, où l’approche transactionnelle demeure.
Clarifications également dans les ruptures avec Trump, qu’il s’agisse du retour dans l’Accord de Paris sur le climat ou au sein de l’OMS, dans le rétablissement de l’aide à l’Autorité palestinienne ou encore dans le règlement des différends commerciaux avec l’UE. Mais ces éléments illustrent aussi ce qui est peut-être le principal problème de l’administration Biden : la polarisation partisane a gagné la politique étrangère américaine, dont certains positionnements s’inversent au gré des alternances politiques à Washington.
Cette polarisation ajoute des difficultés à la politique étrangère : elle contribue au décalage entre l’ambition affichée et la réalité des moyens, et porte davantage atteinte à la crédibilité américaine que le retrait chaotique de Kaboul. Surtout, elle multiplie les obstacles dans un domaine où le président a normalement davantage de marge de manœuvre face au Congrès.
Polarisation de la politique étrangère et crédibilité internationale
En politique intérieure, le président américain ne peut agir sans le Congrès ; en politique étrangère, il peut agir jusqu’à ce que le Congrès l’en empêche. À l’heure où les dossiers intérieurs et internationaux sont liés, dans la rhétorique de l’équipe Biden comme dans la réalité, cette imbrication se traduit aussi dans la pratique politique, et certains élus républicains n’hésitent plus à faire primer l’affrontement partisan sur l’intérêt national. Par ailleurs, force est de constater un an plus tard que Biden n’a pu incarner ni Franklin Roosevelt avec son Build Back Better, ni Lyndon Johnson avec sa réforme électorale, ni même le "président du climat", en raison de la faiblesse de la victoire démocrate au Congrès en 2020 : il n’a tout simplement pas les marges de ses ambitions.
Les revers intérieurs s’ajoutent aux crises extérieures, alors qu’on attend toujours le résultat de revues stratégique en cours, sans rien dire des postes vacants dans les ambassades comme au sein des départements d’État et de la Défense (même si de nombreux postes ont pu être confirmés à la fin décembre). En termes de vision, la multiplication des belles paroles et slogans ne donnent pas une vision claire, ou peut même donner des visions contradictoires, entre la priorité à une politique "pour les classes moyennes", "contre les régimes autoritaires", "pour gagner l’avenir", ou encore "le défi existentiel du changement climatique".
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