Autre traduction pratique de la "politique étrangère pour les classes moyennes", l’accord sur l’acier et l’aluminium signé avec l’Union européenne (UE). Il met fin au différend hérité de Trump, autre dossier qui empoisonnait toujours la relation transatlantique (après la trêve sur le dossier Airbus/Boeing en juin dernier), tout en incluant les dimensions climatiques et sociales dans les règles commerciales, forme de partenariat resserré face à Pékin. La question est de savoir si cet accord signale vraiment une nouvelle ère post-libre-échange facilitant la transition vers des économies bas-carbone. Il propose en tout cas des pistes intéressantes, y compris dans les deux voies d’élargissement possible déjà envisagées : vers des économies comparables, sous forme de "club climat", et avec des aménagements vis-à-vis des économies en développement, pour faciliter leur propre transition.
Ce deuxième angle est également illustré par l’un des nombreux accords signés lors de la COP26, qui a suivi le G20, avec l’initiative transatlantique pour aider à la transition du secteur énergétique sud-africain, autre succès et autre volonté de répondre de manière transatlantique aux nouvelles routes de la soie chinoises. Comme l’accord US-UE sur le méthane, ce type d’association signale la vitalité de nouvelles formes de multilatéralisme pragmatiques et adaptés à une nouvelle ère marquée par la priorité climatique - et la compétition stratégique.
Trêve sino-américaine…
Autre surprise de la COP26, la déclaration conjointe de Washington et Pékin sur la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Si on ne peut la considérer comme un "succès", elle écarte, pour l’instant, le scénario du pire d’un découplage total des deux superpuissances. Cette déclaration témoigne surtout d’une volonté conjointe de faire baisser la tension et rétablir la communication, à travers une impulsion donnée d’en haut aux représentants des deux nations. En octobre, on avait noté la signature d’un accord historique de fourniture de gaz américain à la Chine, et la tenue de deux longues conversations entre Américains et Chinois. Ces éléments ont pu déboucher sur un sommet virtuel le 15 novembre entre Joe Biden et Xi Jinping, qui a permis à chacun de repréciser ses lignes rouges et ouvert la voie à une stabilisation de la relation, qui ne pouvait venir que des deux leaders.
Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, expliquait dans un compte-rendu le lendemain à la Brookings Institution qu’il s’agissait avant tout d’éviter toute erreur de jugement pouvant conduire à une confrontation ouverte, mais aussi de préciser les domaines de coordination entre les deux superpuissances dominantes du 21ème siècle. Les "vieux amis" - expression utilisée par Xi Jinping - ont ainsi évoqué le climat, la pandémie, le respect de la phase un de l’accord commercial signé sous Trump mais aussi les dossiers iranien, nord-coréen et Taïwanais - véritable ligne rouge chinoise -, le tout dans un cadre de compétition économique assumée. Il a été beaucoup question de la crise énergétique actuelle.
... ou entrée dans la Seconde Guerre froide ?
Cet échange, suivi dès le lendemain par des rumeurs de boycott américain des Jeux Olympiques de Pékin, peut également s’entendre comme l’entrée officielle dans la "Seconde Guerre froide", définie comme un état de compétition globale permanente entre deux superpuissances rivalisant pour la puissance et l’influence sur l’ensemble du globe. Une deuxième Guerre froide" qui n’a pas vocation à être identique à la première opposant les États-Unis à l’Union Soviétique, même si c’est la seule référence historique dont nous disposons (il y a bien eu une Seconde Guerre mondiale, différente de la Première).
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