Le 16 mars dernier, la Maison Blanche annonçait 800 millions de dollars d’aide supplémentaire, permettant le transfert direct de 800 Stingers, 2000 Javelins, ainsi que 6000 lance-roquettes AT4 - des systèmes d’armes précieux contre une armée russe très mécanisée, qui ont grandement aidé l’armée ukrainienne à résister durant les premières semaines de l’invasion, comme en témoignent les pertes russes. Devant le Congrès américain la semaine dernière, Zelensky a encouragé les élus américains à poursuivre cet effort en fermant leurs ports aux biens russes, en sanctionnant leurs hommes politiques en exercice en lien "avec ceux responsables de l'agression contre l’Ukraine", ou bien en contraignant les entreprises américaines à cesser leurs activités en Russie. Ces souhaits pourraient offrir des pistes pour de futures sanctions internationales, s’ajoutant à la longue liste ciblant les secteurs technologiques, financiers, énergétiques ainsi qu’un certain nombre d’individus. C’est sans doute l’un des points qui seront étudiés lors des différents sommets (OTAN, UE, G7) prévus cette semaine.
Un nouveau centre en politique étrangère ?
Le trumpisme a redéfini le parti républicain et en particulier son attitude vis-à-vis de la Russie de Poutine. Si la guerre a provoqué quelques ajustements, elle n’empêche pas Tucker Carlson, Marjorie Taylor Greene et d’autres élus républicains de s’appuyer sur la propagande russe pour brouiller les esprits, reprendre sans vergogne la propagande russe et critiquer Biden bien plus que Poutine.
Mais la guerre a aussi redonné de la voix à un centre en voie de disparition. Côté démocrate, de nombreux élus ont ravalé leurs demandes de baisse du budget du Pentagone et de transition énergétique. Côté républicain, certains redécouvrent la valeur des alliances et des alliés. L’admiration et l’empathie vis-à-vis de la résistance ukrainienne galvanisée par le Président Zelensky jouent un rôle important, aidée par la couverture médiatique américaine très importante de ce conflit en Europe.
Ce retour du centre ne doit pourtant pas faire illusion : la polarisation de la politique étrangère américaine est un phénomène structurel et la guerre en Ukraine va amplifier et préciser encore le débat américain sur le rôle des États-Unis dans le monde. Il confirme déjà certains positionnements, appelés par Obama, confirmés par Trump, sur la nécessité pour les Européens de prendre davantage en charge leur sécurité. Aux deux extrêmes de ces arguments, on peut citer d’un côté Stephen Wertheim, pour qui les Européens ont largement les moyens d’assurer leur propre défense quand ils sont les premiers concernés ; de l’autre, Elbridge Colby, pour qui la priorité américaine est Taïwan et la Chine, non l’Ukraine et la Russie.
La guerre en Ukraine continue d’amplifier le débat ouvert à Washington par la présidence Trump, confirmant certaines tendances récentes de la politique étrangère américaine en général et de la relation transatlantique en particulier. En témoigne le troisième déplacement du Président Biden en Europe en moins d’un an, dont les éléments centraux sont une réunion extraordinaire de l’OTAN et un déplacement à Varsovie. Il reste que les risques d’escalade viennent aujourd’hui de Moscou, non de Washington.
Co-écrit avec Marin Saillofest, assistant chargé d’études au programme États-Unis
Copyright : MANDEL NGAN / AFP
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