Une concurrence rude sur le terrain, qui, pour de nombreux acteurs français présents en Afrique, laisse difficilement entrevoir une possibilité de coopération européenne. Ainsi, le baromètre Africaleads publié par le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) en février 2019, conduit dans huit pays francophones, révèle que l’Allemagne jouit d’une meilleure image que la France au sein de ces pays. Cela peut notamment s’expliquer par la bonne réputation dont jouissent les produits allemands, alors que la France pâtit du manque de dynamisme de son économie et de la frilosité de ses entreprises. La France paie également vraisemblablement son passé colonial, tandis que celui de l’Allemagne semble moins présent dans les consciences.
Néanmoins, l’intérêt grandissant de l’Allemagne pour l’Afrique constitue également une opportunité pour la France, longtemps isolée sur le continent et aujourd’hui affaiblie, pour porter avec davantage de succès cette priorité au niveau européen. La récente visite en Éthiopie, où se trouve le siège de l’Union africaine, de la nouvelle présidente (allemande) de la Commission, Ursula von der Leyen, pour son premier déplacement hors d’Europe, est en cela un signe encourageant, qui va dans le sens d’un partenariat de continent à continent renouvelé, que nous appelions de nos vœux dans notre rapport publié en juin 2019 Europe-Afrique : partenaires particuliers.
En particulier, l’intérêt accru de l’Allemagne pour le Sahel, notamment sur le terrain militaire, représente pour la France l’espoir d’une implication européenne plus importante aux côtés des soldats français dans cette région. C’est ce que considère désormais la chancelière Angela Merkel, qui a rappelé lors de sa tournée de trois jours au Niger et au Mali en mai 2019 - faisant ainsi écho au discours français -, que la question sécuritaire dans la région concerne l’Europe "car, si le chaos prend le dessus, cela a également un impact sur d'autres domaines". Angela Merkel s’est également associée à Emmanuel Macron lors du sommet du G7 de Biarritz pour annoncer le lancement d’un pacte pour la sécurité, en coopération avec les pays du G5 Sahel. Reste à savoir néanmoins si la Chancelière épaulera le Président français dans sa volonté de faire de la lutte contre les groupes terroristes au Sahel un "laboratoire d’une défense européenne".
Lors de son discours d’investiture en 2004, le Bundespräsident Hörst Köhler affirmait : "Pour moi, l’humanité de notre monde se mesurera à l’aune du destin de l’Afrique", anticipant ainsi de près d’une décennie le repositionnement de l’Allemagne vis-à-vis du continent africain. L’engagement de l’Allemagne en Afrique reste largement subordonné à sa volonté d’apporter une réponse globale ce qu’elle perçoit comme les principaux enjeux du monde à venir : le défi migratoire et la lutte contre le réchauffement climatique. Intrinsèquement liés, ces deux défis justifient la politique volontariste de l’Allemagne en Afrique et la volonté du Gouvernement d’encourager les entreprises allemandes à contribuer au développement économique de l’Afrique. Ce partenariat gagnant-gagnant encouragé par la Chancelière a des conséquences évidentes pour la France. Si "La France n’est plus seule en Afrique" (Le Drian) il lui revient désormais de redéfinir les modalités de sa coopération avec un partenaire de plus en plus conquérant, et bien décidé à assumer de nouvelles responsabilités en Afrique.
Copyright : Tobias SCHWARZ / AFP
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