De son côté, Amazon n’a pas hésité à mettre 238 villes en concurrence afin de choisir le lieu qui offrirait les meilleures conditions économiques et sociales pour l’établissement de son futur siège social "HQ2". L’entreprise a exigé de la part des concurrents des accords de confidentialité qui empêchent aux électeurs de connaître l’ampleur des concessions envisagées par la municipalité ! L’afflux prévisible de 50 000 travailleurs hautement qualifiés signifie probablement que les politiques des villes accueillantes (New York et Arlington) seront très largement à la main d’Amazon, et ce pour des décennies. Les réglementations urbaines, sociales et économiques qui s’appliquent à ces deux cités auront été modifiées pour permettre à un acteur de s’implanter, à l’instar de ce qui a déjà été observé en Californie. Michael Gianaris, sénateur de la région de New York, n’a d’ailleurs pas hésité à déclarer que "Amazon a dupé New York en l’incitant à offrir des montants de taxes sans précédent à l'une des sociétés les plus riches du monde[...]. Il est inconcevable que nous signions un chèque de trois milliards de dollars à Amazon face à ces défis." Une situation qui, si elle semble abracadabrante, n’est pourtant pas unique : Apple par exemple a bénéficié d’un statut fiscal dérogatoire en Irlande, par la suite dénoncé par la Commission européenne, qui lui aurait permis des déductions se chiffrant à 13 milliards de dollars sur une dizaine d’années.
La question qui se pose inévitablement consiste à savoir s’il est toujours possible de résister à ces pressions économiques. Car l’activisme des méta-plateformes se retrouve sur de nombreux fronts. Ainsi, auprès des institutions bruxelloises, il surprend jusqu’aux cabinets de lobbying, pourtant habitués à voir les acteurs économiques transférer peu à peu leurs activités dans la capitale belge au fur et à mesure de la construction d’un marché européen intégré. Des entreprises comme Uber ou Facebook n’ont pas hésité à recruter respectivement une ancienne commissaire européenne au numérique (Neelie Kroes) au poste de conseiller en affaires publiques, et un ancien vice-Premier ministre britannique (Nick Clegg), en leur offrant des salaires extraordinaires (quatre millions de dollars pour Nick Clegg), simplifiant ainsi grandement la défense de leurs intérêts. Est-il nécessaire de rappeler que Facebook n’a pas hésité à engager une stratégie d’influence agressive afin de faire face aux accusations auxquelles le mastodonte faisait face, cela avec le soutien d’un cabinet de relations publiques, lui valant un article au vitriol de la part du New York Times ?
Dans un quatrième et dernier billet, nous formulerons différentes hypothèses sur la façon dont le monde post-Westphalien pourrait se restructurer et de nouveaux équilibres se créer, au sein desquels le numérique, les plateformes mais aussi d’autres acteurs, prendraient une place nouvelle.
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