C’est aussi la crainte que la minorité albanaise, très attachée au rôle de l’OTAN, ne se lasse de cette "querelle slave" sur le nom et n’écoute un jour les sirènes d’un rattachement au Kosovo, voire le rêve de la "Grande Albanie" caressé par certains. C’est surtout la volonté ardente d’ouvrir au pays la double perspective d’intégration à l’OTAN et de négociations d’adhésion à l’UE qui l’ont poussé à cette décision historique, gage de stabilité régionale. Car sans solution sur le nom, pas d’adhésion aux deux organisations, ce qu’elles ont confirmé à plusieurs reprises depuis 2005.
Il faut pourtant mesurer à quel point l’accord divise les sociétés des deux pays. Dès la signature de l’accord, de violentes manifestations ont éclaté à Skopje, ainsi qu’à Athènes et à Thessalonique, révélant combien l’identité reste un sujet brûlant dans les Balkans. Le Président Ivanov, du parti VMRO, tout en appuyant la double adhésion du pays à l’OTAN et à l’UE, refusa qu’elle se fît sous un nom tronqué, exprimant par là une position largement partagée dans l’opinion. Il alla jusqu’à parler d’un "acte criminel, un suicide historique". Côté grec aussi, le Premier ministre Alexis Tsipras a pris un risque, alors que les forces nationalistes, et au-delà, s’opposent obstinément à ce que "Macédoine" figurât dans le nom. La Nouvelle Démocratie, parti conservateur grec, y voit aussi un calcul électoral visant à la diviser pour mieux s’imposer aux prochaines échéances, ce qui l’a poussée à s’opposer à l’accord. Les deux gouvernements ont en tout cas pris une décision courageuse, à laquelle les Balkans ne nous ont guère habitués.
Cet accord aura-t-il un impact sur la géopolitique régionale, alors que de nombreux commentateurs mettent en avant l’influence russe grandissante en Macédoine et dans les Balkans ?
Cette influence s’est assurément exercée lors du référendum consultatif du 30 septembre. Il a été largement boycotté, la participation n’ayant atteint que 36,87 % de la population. C’est toutefois moins grâce aux efforts de Moscou qu’en raison de listes électorales obsolètes, basées sur le recensement de 2002 alors que plusieurs centaines de milliers de macédoniens ont émigré depuis lors. Des listes actualisées auraient vraisemblablement permis d’atteindre le quorum et donc de conforter le "oui" que 91,48 % des votants ont exprimé.
La question demandait d’ailleurs si l’on était pour l’adhésion à l’UE et à l’OTAN en acceptant l’accord avec la Grèce ! L’enjeu était de taille. Il a donné lieu à une activité diplomatique très intense. De la chancelière Merkel au Secrétaire général de l’OTAN, du Commissaire Hahn aux très nombreux ministres d’Etats membres, rares sont ceux, "à l’Ouest", qui n’ont pas apporté leur soutien public et de façon manifeste.
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