Cela signifierait ainsi que la propagation de rumeurs médisantes émanerait davantage de mécanismes de raisonnement motivé et de préjugés que d’un manque d’éducation.
En définitive, alors même que Whatsapp fait partie des applications les plus respectueuses des données des utilisateurs, de par le cryptage de bout en bout de sa messagerie, il semblerait que celle-ci soit dans le même temps celle qui soulève le plus d’inquiétudes face au phénomène de la désinformation. En effet, principalement consultées depuis un téléphone portable, et dépourvus d’indication sur leur provenance, les fake news circulant sur WhatsApp sont problématiques aussi bien pour les utilisateurs que pour les chercheurs : alors que les premiers peuvent difficilement les vérifier, les seconds peuvent difficilement les étudier, et doivent faire face à d’épineux enjeux éthiques. Comme l’explique l’experte de la désinformation, Claire Wardle, de nombreuses interrogations restent encore sans réponse : dans quelle mesure est-il autorisé de rejoindre des groupes "publics" pour les scruter ? Faut-il alors faire preuve de transparence sur ses motivations ? Et est-il enfin possible de vraiment rendre compte des messages glanées au sein de certaines conversations ou faut il demander le consentement des gens ?
Que dit la littérature sur les mesures prises par la plateforme ?
Face à toutes ces questions, WhatsApp a ainsi commencé à mettre en place différentes mesures.Le réseau social a par exemple annoncé que les messages transférés depuis une autre discussion seraient désormais signalés comme tels afin de faciliter l’identification de la provenance d’un contenu. Par ailleurs, après un test prometteur en Inde, l’application a aussi décidé de limiter à cinq destinataires ou groupes (au lieu de 20 et même 256 auparavant) la possibilité de transférer des messages.
Nécessaires et relativement efficaces, ces mesures sont néanmoins encore confrontées à de nombreuses difficultés. Une équipe de recherche a en effet constaté que le fait de limiter la transmission à cinq destinataires ralentissait la diffusion des informations mais permettait tout de même encore à 20 % des messages de rester très viraux et de se propager à tout l’ensemble du réseau. Par ailleurs, une enquête de Reuters a indiqué que les restrictions mises en place par WhatsApp étaient facilement contournées par le recours à des applications clones telles que "GBWhatsApp" ou "JTWhatsApp", qui sont gratuitement téléchargeables pour des smartphones Android et permettent d’envoyer des messages à plus de 6 000 personnes en une seule journée.
Pour contrer toutes ces menaces, de plus en plus de projet de lois commencent ainsi à être esquissés pour renforcer le contrôle des contenus publiés sur les réseaux sociaux. À titre d’exemple, le gouvernement indien souhaite pouvoir tracer la source originelle des messages échangés sur WhatsApp et envisage de publier, d’ici janvier 2020, un nouvel ensemble de règles pour les plateformes qui ne sont pas sans soulever de nombreuses questions au regard du respect de la vie privée des gens et de la garantie de leur liberté d’expression. En effet, l’application de telles mesures risquent de permettre d’établir un précédent dont les gouvernements autoritaires pourront s’emparer pour ordonner les données d'utilisateurs dissidents et censurer alors toute forme de discours critique.
Copyright : NICOLAS ASFOURI / AFP
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