Dans cette série de trois articles, l’Institut Montaigne souhaite revenir sur l’importance de l’industrie de défense pour l’Europe, sur les risques que l’agenda en faveur de la finance durable peuvent faire courir à son financement et formuler des propositions pour assurer que, face à la nécessité de renforcer sa défense, l’Europe conserve une base industrielle qui lui assure une autonomie stratégique suffisante.
Une industrie spécifique mais essentielle
L’industrie de défense comporte d’importantes spécificités. Elle fait partie intégrante de la sphère de la souveraineté, ce qui implique une large présence de l’État dans le développement des projets, les commandes et les autorisations pour les ventes à l’exportation, et parfois même au capital des entreprises. À ce titre, elle dépend très directement de la volonté politique et son financement ne peut en faire abstraction, que ce soit dans la nature des actionnaires, comme en témoignent les dispositions touchant au contrôle des investissements, ou s’agissant de la nature (largement souveraine) du risque pris.
Son modèle économique repose sur des cycles longs, généralement supérieurs à 10 ans et pouvant atteindre jusqu’à 25 ans, ce qui implique deux contraintes fortes. L’exigence de "non obsolescence", d’une part, qui vient encore renforcer la deuxième exigence, de performance à la conception : parce que les équipements doivent durer, il est impératif qu’ils mettent en œuvre des technologies à la fois innovantes et robustes. L’industrie de défense se doit d’être à la pointe de l’innovation. Un positionnement qui en fait aussi un acteur important de l’innovation dans le domaine civil et qui explique l’importance des entreprises "duales" (servant des marchés militaires et civils) dans la base industrielle et technologique de défense.
Parallèlement, ces cycles longs et l’importance de l’innovation contribuent à renforcer les contraintes de financement des acteurs du secteur : ils doivent pouvoir s’appuyer sur des fonds propres suffisants, une dette dont la maturité est cohérente avec la durée du cycle de développement et, en particulier pour les sous-traitants, un financement qui reconnaisse la nature des programmes et la qualité des donneurs d’ordre.
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