Parmi les quatre principaux opérateurs, seul Softbank utilise de la technologie Huawei dans son infrastructure 4G. Or en décembre 2019, Softbank a annoncé le retrait des équipements Huawei de son réseau 4G au profit de Nokia et d’Ericsson. Cette décision a un coût. En effet, 13 % des stations de base 4G japonaises ont été déployées par Huawei, un pourcentage atteint grâce aux contrats Softbank de l’équipementier chinois. Softbank a choisi d’honorer ses responsabilités en matière de sécurité conformément aux exigences du gouvernement japonais en matière de 5G, et ce malgré l'importance des activités chinoises dans son portefeuille d’actifs. Avec des intérêts dans Alibaba, Zhong'an Insurance, ByteDance et Didi, Softbank est un investisseur étranger de premier plan dans l'écosystème numérique chinois, notamment par le biais de sa filiale - SoftBank Vision Fund.
Comment le Japon est-il parvenu à gérer cette exclusion de facto à l’égard de Huawei sans répercussions négatives sur ses relations avec la Chine ? La seule réponse chinoise accusatrice a été prononcée en décembre 2018, après la publication, par le gouvernement japonais, de directives d'achat émises à l'intention des Forces japonaises d'autodéfense et des agences gouvernementales. En pratique, ces directives les empêchent d'acheter du matériel auprès de Huawei ou d’autres d’entreprises jugées indignes de confiance, que ce soient ordinateurs, serveurs ou réseaux de télécommunications. L'ambassade de Chine à Tokyo a alors accusé le gouvernement japonais d’avoir imposé "des pratiques discriminatoires à l'encontre d’entreprises spécifiques originaires de pays spécifiques, une situation défavorable non seulement pour le Japon lui-même, dans sa capacité à attirer les investissements étrangers, mais aussi pour la coopération économique entre la Chine et le Japon".
Mais aucun autre coût n’est à déplorer pour le Japon. Un facteur clé est la rapidité de la prise de décision. Au lieu de devoir concevoir pendant de longs mois une boîte à outils pour gérer politiquement et techniquement les multiples risques de la construction d’infrastructures par des entreprises en qui il n’avait pas confiance, le gouvernement japonais a agi rapidement, ce qui a permis au débat de se déplacer immédiatement sur la question de l’émergence de solutions technologiques positives et de l'innovation locale comme réponses aux enjeux de la 5G.
Des solutions technologiques nationales
L’approche japonaise du risque Huawei, à la fois ferme et non conflictuelle, a également été facilitée par l’existence de solutions technologiques nationales - inconnues du grand public en dehors du Japon. Lorsqu’ils ne se méprennent pas en croyant, à tort, qu’il n’y a pas d’alternative à Huawei, nombreux sont les commentateurs qui estiment que les opérateurs ne disposent que de cinq options d'équipement : Huawei, Ericsson, Nokia et, dans une moindre mesure, ZTE et Samsung. Or, en 2017, selon IHS Market, les deux principaux acteurs japonais du secteur que sont Fujitsu et NEC, détenaient respectivement 0,9 % et 1,4 % du marché mondial des équipements de télécommunications. Une part très minoritaire à l’échelle mondiale, mais qui occulte leur importance stratégique sur le marché intérieur japonais où se concentrent leurs activités, en particulier grâce à leur part majoritaire dans les infrastructures de NTT Docomo. Il s’agit ainsi d’un marché captif, qui explique qu’ils aient été protégés contre les tendances à la consolidation caractérisant le secteur des équipementiers télécom, tendances qui affectent les autres petits fournisseurs d'équipements dans le monde.
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