Mais, si l’euro était sauvé, les conséquences de cette manœuvre politique furent désastreuses, puisqu’elles aboutirent à la réduction du temps de travail, avec hausse des coûts salariaux, donc perte de compétitivité, partiellement compensée par des exonérations de cotisations, donc par une augmentation de la dépense publique. Cette fois, l’embellie économique – elle finit toujours par venir – ne favorisa pas le Président, mais son Premier ministre : la forte croissance mondiale de 1998 à 2000 entretint l’illusion qu’on pouvait faire baisser le chômage en imposant une réduction du temps de travail. Bénéficiant d’abondantes rentrées fiscales, le gouvernement Jospin en déduit qu’il était urgent d’attendre pour réformer le système de retraite, malgré une proposition ambitieuse détaillée dans le rapport de Jean-Michel Charpin, et qui aurait pu donner naissance à un grand fonds de pension à la française. Que d’occasions perdues lors de ce septennat !
L’échec de la méthode de réforme par ajustement à la marge
Réélu avec un score écrasant face à Jean-Marie Le Pen en 2002, Jacques Chirac sembla avoir tiré une leçon de ses succès politiques comme de ses échecs économiques : n’agir qu’à la marge, dans un pays où, de toutes façons "le libéralisme, ça ne marche pas", pour reprendre une autre de ses formules. Le gouvernement Raffarin en fit sa devise, avec des résultats concrets, mais minces. La dernière tentative de réforme, celle d’un contrat de travail plus flexible pour les jeunes lors d’une prochaine embauche, partait d’une bonne intention, mais était vouée à l’échec, comme une tentative antérieure par Edouard Balladur d’établir un "SMIC jeune", car perçue immédiatement comme stigmatisant une partie de la population, les jeunes. Plutôt que d’envisager une réforme en profondeur du marché du travail, la stratégie chiraquienne d’ajustement à la marge fut un échec, renforçant dans la population l’idée que les réformes sont synonymes de régression sociale.
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Que retiendra-t-on des politiques économiques menées par Jacques Chirac ? Celles d’une action courageuse lorsque l’économie était au bord de la catastrophe,mais aussi celle d’un échec à réformer en profondeur, faute d’une claire perception des réalités économiques modernes. En sortant du cadre strictement économique, on retiendra aussi que l’homme de l’appel de Cochin, qui dénonçait en 1978 le "parti de l’étranger", se mua en ferme défenseur de l’idée européenne, contre certains de ses amis et même s’il savait qu’elle n’était pas un argument électoral porteur. Nous pouvons lui en être reconnaissants.
Copyright : PATRICK KOVARIK / AFP
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