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13/03/2019

It’s the Prices, Stupid! : le coûteux système de santé américain

It’s the Prices, Stupid! : le coûteux système de santé américain
 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Ancienne directrice déléguée à la Santé

La santé a occupé une place centrale dans les élections de mi-mandat de novembre 2018 qui semblent avoir marqué la fin d’années de controverses autour de l’Obamacare. De nouveaux thèmes occupent aujourd’hui le devant de la scène dans les discussions aux États-Unis. Angèle Malâtre-Lansac, notre directrice déléguée à la santé, travaille à la Harvard Medical School et à la Rand Corporation sur le système de santé américain. Elle décrypte pour nous l’actualité santé aux États-Unis.

Dans un célèbre article publié dans la revue HealthAffairs en 2003 It’s the Prices, Stupid: Why the United States Is So Different from Other Countries, les auteurs montraient quela différence de coûts entre le système de santé américain et les autre systèmes de santé des pays de l’OCDE était due aux prix, et non au volume de soins consommés. Une analyse toujours vraie aujourd’hui : si les Etats-Unis dépensent en moyenne deux fois plus que les autres pays pour leur système de santé, ce n’est pas parce que les patients américains bénéficient de plus de soins, mais bien parce que tout est plus cher de ce côté de l’Atlantique : le coût du travail, le prix des médicaments et des soins, les dépenses administratives.

La différence de coûts entre le système de santé américain et les autre systèmes de santé des pays de l’OCDE était due aux prix, et non au volume de soins consommés.

Malgré les nombreuses réformes menées aux Etats-Unis depuis 15 ans, et notamment le passage de l’Obamacare en 2010, les dépenses de santé y restent largement supérieures avec 9.892 dollars dépensés par habitant en 2016, 25 % de plus que la Suisse, le second pays le plus dépensier en matière de santé, deux fois plus que la France.

La différence entre 2003 et aujourd’hui est sans doute la sensibilisation de l’opinion publique à cet enjeu et la prise de conscience que, malgré ces prix astronomiques et l’argent investi, les résultats sont médiocres en termes de santé publique. Chaque semaine, les médias se font le relais de factures de plusieurs milliers de dollars reçues par des patients pour des soins bénins, souvent des frais d’hospitalisation couplés à des prescriptions médicamenteuses. Joliment appelées les surprise bills, ces factures élevées non prises en charge par les assurances santé, représentent près de 15% des visites aux urgences et 10 % des séjours hospitaliers. Elles sont le symbole d’un système dysfonctionnant et totalement opaque pour les patients comme le montre l’exemple de ces deux femmes travaillant au même endroit, disposant de la même couverture santé, accouchant de la même façon dans la même maternité et dont l’une devra payer 1 600 dollars alors que l’autre ne payera rien.

Faire baisser les coûts : les médicaments d’abord

Parmi les dépenses de santé, celles liées aux médicaments sont sans aucun doute les plus visibles. Entre 2013 et 2015, les dépenses nettes en médicaments ont augmenté de près de 20 %. Elles représentent aujourd’hui près de 17 % du coût total de la santé. Les prix pratiqués aux États-Unis pour les médicaments non génériques sont deux à trois fois plus chers que les prix pratiqués dans les pays européens. L’une des principales raisons à cette différence est que, contrairement à la majorité des pays de l’OCDE, les Etats-Unis n’ont pas de système centralisé de fixation des prix ni de négociations avec les laboratoires pharmaceutiques qui fixent de ce fait directement leurs prix de vente.

Si le nouveau Congrès américain est plus divisé que jamais, il semble avoir trouvé au moins un terrain d’entente : la nécessaire baisse du prix des médicaments. Experts, opinion publique et parlementaires s’accordent sur le fait que les prix sont aujourd’hui hors de contrôle, limitent l’accès aux soins des patients et font exploser les coûts de santé aux Etats-Unis. Cette baisse des prix pourrait être l’une des seules réalisations concrètes du Congrès en matière de santé.

Les dépenses liées aux médicaments représentent aujourd’hui près de 17 % du coût total de la santé.

Dans un livre blanc daté de mai 2018 : "American patients first", et passé relativement inaperçu en Europe, l’administration Trump propose d’aligner les prix des médicaments sur les prix pratiqués par les autres pays de l’OCDE. La Commission des Finances du Sénat a par ailleurs commencé en janvier une vague d’auditions largement médiatisées : "Drug prices : A prescription for Change" dans laquelle patients, experts et laboratoires pharmaceutiques viennent témoigner et proposer des solutions pour baisser les coûts.

Le débat peut paraître lointain. Il risque toutefois, si nous n’y prenons pas garde, d’avoir des répercussions fortes sur les prix des médicaments en Europe. En effet, une baisse des prix de ce côté de l’Atlantique entraînerait très probablement des répercussions sur le marché européen (probablement une hausse des prix), et l’absence de prix commun comme de négociations communes au niveau des grands pays européens est sans aucun doute une faiblesse.

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