Après une tentative de résistance - et un arbitrage du Conseil National de Sécurité et du Guide lui-même -, le gouvernement de M. Rouhani a décidé d’appliquer la loi, reprenant en fait à son compte la démarche "dure" que préconisait le Madjles.
On en arrive ainsi à la troisième explication de la décision iranienne, celle qui en définitive compte vraiment pour les acteurs extérieurs : l’Iran s’est doté d’un instrument de négociation puissant vis-à-vis de Washington, du type "retenez-moi ou je fais un malheur". La loi du 3 décembre prévoit, parmi d’autres étapes de la sortie du JCPOA, la mise en place d’une capacité de production d’uranium métal (accélérant là aussi la possibilité d’accéder à une bombe) et surtout la non-application du protocole additionnel de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), c’est-à-dire principalement le régime renforcé d’inspection de l’agence onusienne du nucléaire, sans que l’on sache très bien si ces différentes mesures interviendraient d’ici la fin du délai de deux mois ou à l’issue de celui-ci. Toutefois, le gouvernement Rouhani a fixé au 19 février, quelques jours avant l’expiration du délai (25/26 février), la date à laquelle il ferait procéder à une évaluation de l’état de la levée des sanctions. Il y a donc bien une "fenêtre de tir" fixée à la nouvelle administration américaine pour la fin février.
Que va faire l’administration Biden ? Existe-t-il une chance que celle-ci parvienne à un accord avec l’Iran permettant le rétablissement du JCPOA ?
Le résultat le plus net de la démarche iranienne est de mettre en place une forme d’ultimatum à l’égard de Washington prenant effet en théorie fin février, comme on l’a vu, c’est-à-dire quelques semaines seulement après l’installation de la nouvelle administration américaine.
Était-ce la meilleure manière pour les Iraniens d’établir un dialogue fécond avec l’équipe Biden ? Evidemment, non. C’est là sans doute que la compétition entre "durs" et "modérés" a certainement joué à Téhéran. Il se trouve cependant que le camp Biden avait de toute façon affiché sa volonté d’aller vite dans une démarche de retour des États-Unis dans le JCPOA. Elle peut donc faire mouvement en application de son programme en ignorant l’ultimatum iranien. L’opération serait certes plus complexe que la signature de deux ou trois décrets présidentiels, comme M. Zarif, le brillant ministre des Affaires étrangères iranien, affecte de le penser. Cependant, on peut imaginer en effet que le nouveau président américain rétablisse par exemple des exceptions aux sanctions pour le pétrole ("waivers") et laisse de nouveau fonctionner certains flux financiers avec l’Iran. Même si nous ne serions pas immédiatement dans un scénario de "levée complète des sanctions" et de simple retour à la situation de janvier 2017, on voit mal comment les Iraniens pourraient ne pas répondre positivement à une ouverture de ce type.
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