2/ Les scénarios en cas de victoire électorale de Joe Biden
Le candidat démocrate affiche sa volonté de revenir dans le JCPOA, mais à condition que de leur côté les Iraniens se mettent en conformité avec leurs obligations – qu’ils ont commencé à violer dès lors que les Américains avaient remis en place leurs sanctions nationales. La chorégraphie "retour de Washington dans l’accord, retour de l’Iran à ses obligation, levée des sanctions américaines" risque d’être techniquement et politiquement très compliquée.
Et cela d’autant plus que les Démocrates paraissent déterminés à compléter l’accord nucléaire par une négociation sur les questions régionales et les missiles ainsi que par une négociation sur la prolongation des dispositions du JCPOA au-delà des leurs limites actuelles. Ils rejoignent sur ce point ce qu’avaient été les propositions du Président Macron pour sortir de l’impasse. Il reste que les Iraniens sont pour l’instant totalement opposés à une telle approche (les autres acteurs régionaux y étant pour leur part réticents, sans compter Israël).
Enfin, une autre inconnue réside dans l’évolution du pouvoir à Téhéran : la stratégie américaine de "pressions maximum" a renforcé la main des "faucons" à Téhéran, et l’administration Rohani devrait être emportée par l’élection présidentielle iranienne du mois de mai. Le scénario d’un "rush vers l’arme nucléaire" ne peut être exclu compte tenu des progrès que l’Iran a effectué vers la bombe au cours des derniers mois (notamment en matière de recherche et développement, sans que cela soit réversible).
3/ Les scénarios alternatifs
Il faut bien voir que les risques se trouveront maximisés dans l’hypothèse d’un flottement – voire d’un chaos – prolongé à Washington à la suite de l’élection du 3 novembre (contestation des résultats). Outre les tentations qui pourraient exister à Téhéran de se lancer dans des provocations contre les forces américaines stationnées dans la région (en Irak notamment) et /ou dans une accélération du programme nucléaire, Russes et Chinois pourraient en profiter pour transférer des armes à l’Iran dans des conditions moins retenues que s’il y avait une main ferme aux commandes à Washington.
4/ Quel rôle pour les Européens ?
Une fois n’est pas coutume, les Européens sortent plutôt renforcés des épisodes récents de la crise. Ils ont atteint – ou paraissaient sur le point d’atteindre – ce qui était leur objectif : assurer la survie du JCPOA, en tant que structure juridique, jusqu’à la fin de l’administration Trump, afin de laisser en place un point d’appui pour un retour américain dans l’accord en cas de relève en 2021 par une administration Démocrate. D’autre part, leur résistance aux Américains dans l’affaire de l’embargo sur les armes puis dans celle du snapback a amélioré leur crédibilité vis-à-vis de Téhéran.
Dans l’hypothèse d’une réélection de Trump, il est douteux que les Européens puissent avoir leur mot à dire dans la suite des événements. En cas de victoire de Biden, la situation sera plus ambivalente : d’un côté, les équipes qui avaient négocié le JCPOA sous Obama reviendront aux affaires. Elles considèreront sans doute qu’elles peuvent gérer le dossier sans conseils extérieurs ; d’un autre côté, la complexité de la situation (brièvement évoquée ci-dessus) laisse un espace pour les grandes diplomaties européennes qui ont gardé des contacts avec tous les acteurs de la région (Iran, mais aussi États du Golfe, Israël) et tous les signataires de l’accord (y compris Russie et Chine). Ce sont ces contacts, de même que l’expertise européenne, qui pourraient être valorisés auprès d’une administration Démocrate.
En particulier, une bonne concertation euro-américaine est nécessaire pour appréhender deux des sujets les plus difficiles – qui ne sont pas des sujets techniques mais relèvent d’une appréciation politique :
- Est-ce que la mainmise des "durs" sur le pouvoir en Iran fait reculer toute perspective de négociation ? Ou y a-t-il un moyen de traiter avec eux, et dans quels termes ?
- Est-ce que le rapprochement États du Golfe-Israël conduit nécessairement à un durcissement de la confrontation régionale ? Ou, paradoxalement, des États du Golfe "rassurés" par l’alliance avec Israël, ne seraient-ils pas plus enclins à envisager un accommodement avec l’Iran ?
Copyright : ATTA KENARE / AFP
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