Vers un grand bargain ?
Il serait utile qu’entre les Iraniens et des interlocuteurs étrangers compétents, peut-être d’abord dans des circuits non-officiels, s’engage rapidement une discussion de fond sur l’ensemble de ces problèmes, prenant en compte toutes leurs dimensions. Il faut bien comprendre par exemple qu’un accord trop limité ne bénéficiera pas d’une base politique, ni même juridique (endossement par le Sénat), à Washington. C’était là, rétrospectivement, la faiblesse principale du JCPOA, condamné par les Républicains et seulement faiblement soutenu par les Démocrates.
Dans le même ordre d’idée, il est évident que du côté iranien la dimension économique, si importante soit-elle, n’est qu’une dimension parmi d’autres. On a pu penser à un moment donné qu’au moins pour le courant "modéré", l’enjeu du JCPOA était aussi à Téhéran la "normalisation" des relations du pays avec l’extérieur. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Et qu’en est-il de la situation stratégique de l’Iran, après notamment la normalisation entre certains pays arabes et Israël, encore illustrée ce week-end par le voyage du Premier Ministre israélien en Arabie saoudite ? Vu de Téhéran, la perception n’est-elle pas que, potentiellement au moins, les moyens d’agression (avions et autres) de l’État hébreu se sont dangereusement rapprochés du territoire iranien ? Quelle est la réponse optimale à cette nouvelle menace ? Est-ce d’exploiter le retrait programmé des forces américaines d’Afghanistan et d’Irak ? Mais la "stratégie de la tension" n’est elle pas le moyen le plus sûr justement de convaincre les États-Unis de ne pas abandonner la région ?
On ne donne ici qu’un aperçu de ce que nous avons appelé "l’environnement politique" (mais aussi stratégique) d’une relance possible des négociations avec l’Iran. Ce qui frappe, c’est l’extraordinaire complexité des problèmes soulevés. Il est à craindre que la future administration américaine, une fois les premiers gestes accomplis, n’aura pas la détermination ou la liberté d’esprit (ayant tant de défis, d’abord internes, à relever) de les traiter sur la durée. Pourtant, on serait tenté d’offrir cette conclusion : face justement à l’immense complexité du dossier iranien, plus que jamais clef pour la paix au Proche-Orient, et donc de la possibilité pour les Américains de se désengager, c’est un "grand bargain" avec l’Iran que les États-Unis devraient viser. Tout en commençant par un simple retour au statu quo sur le nucléaire, ils auraient intérêt à afficher dès le départ cette intention.
On rejoint sur ce point l’analyse d'une observatrice de l’Atlantic Council, Barbara Salvin, dans son dernier article pour Foreign Policy. Un accord global avec Washington n’est-il pas aussi finalement ce qui peut permettre à la République islamique, non seulement de retrouver sa souveraineté économique, mais aussi de valoriser ses gains régionaux tout en sortant d’une situation de confrontation permanente ?
Copyright : MANDEL NGAN / AFP
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