Le papier, par exemple, est un medium ; une bande de film en est un autre - Marshall McLuhan, grand théoricien de la communication canadien, irait jusqu’à dire que les media sont des "prolongements de l’humain" (extensions of man). Ainsi, toute technologie, en tant qu’elle offre à l’homme une nouvelle manière de percevoir son environnement, est selon lui un medium (la voiture change notre perception des distances). Bien que cette définition étende trop le champs des media (tout devient en réalité media), elle a l’avantage de mettre l’accent sur le rôle d’intermédiaire, de médiation, de notre environnement technologique, particulièrement pertinente à l’ère numérique.
Transmission de valeurs
La particularité des media est qu’ils transmettent un type de vision qui leur est propre. Par exemple, l’écriture permet au lecteur d’un roman de s’immiscer dans les pensées des personnages ; le film facilitera le partage d’émotions à travers ce qui est visible. Ces façons de voir les choses font circuler des valeurs : les formats visuels, tels que les films ou les "mèmes", peuvent encourager la création de contenus ostentatoires parce qu’ils auront plus d’effet.
Ainsi, au commencement de l’ère des réseaux sociaux (lorsqu’ils étaient encore perçus comme un outil de libération), Manuel Castells, dans son ouvrage Networks of Outrage and Hope: Social Movements in the Internet Age (Polity Press, 2012), analysait l’indignation et l’espoir comme moteur de changement et de mobilisation, ayant entraîné les Printemps arabes, le mouvement Occupy Wall Street ou d’autres mobilisations au Brésil, en Turquie, au Chili et au Mexique. Il démontrait qu’un mode de communication semble prédominant dans notre environnement de media.
La Silicon Valley et la défense des libertés
Étant donné le contexte culturel dans lequel ils sont nés, il n’est pas étonnant que les réseaux sociaux favorisent un mode d’expression fondé sur l’indignation et l’espoir. L’activisme et la mobilisation pour des causes d’intérêt commun font partie de l’ADN des campus américains depuis le Free Speech Movement de l’année 1964-65 sur le campus de Berkeley, qui revendiquait la liberté d’expression des étudiants et leur droit de se mobiliser autour de sujets politiques. Cette idée de l’individu libre, en opposition avec le pouvoir central, a bercé les génies de l’informatique et entrepreneurs qui feront l’histoire. Elle s’est ensuite retrouvée au centre du storytelling et des campagnes marketing d’une partie de l’informatique (la publicité du Macintosh en 1984 est dans tous les manuels).
L’académie et l’activisme américains
Ces mouvements libertaires étaient ancrés dans l’académie (et les campus y ont joué pour beaucoup), ce qui a contribué à leur force. Ainsi, les Gender Studies ou les Ethnic Studies ont apporté toute une série d’analyses démontrant de manière scientifique les injustices que subissaient les minorités (soit dit en passant, il est intéressant de remarquer le rôle qu’ont joué les philosophes français dans l’émergence de ces écoles académiques. François Cusset, dans son ouvrage French Theory : Foucault, Derrida, Deleuze et Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux États-Unis relate ainsi le recyclage méthodes de personnalités telles que Jacques Derrida ou Gilles Deleuze dans les sphères académiques américaines.).
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