Education, mobilité, emploi, accès aux soins : après avoir dressé un portrait simplifié des inégalités sociales et territoriales au coeur de la vie des Français, une question prioritaire doit être posée : quelles sont les politiques publiques susceptibles d’y porter remède ? Le numérique, une meilleure coordination avec les acteurs privés et une action publique plus efficace et adaptée sont des axes clés à considérer.
Quels principes de travail pour répondre à ces défis ?
Le numérique comme outil déterminant
Le numérique, d’abord. Il a transformé et bouleverse encore profondément de nombreux secteurs économiques et administratifs. De manière générale, le numérique est un outil important pour les collectivités, car il n’est pas ou peu affecté par la dimension territoriale : sous réserve de traiter les enjeux de fracture numérique - notamment à travers le plan France Très Haut Débit, qui vise à équiper 50 % du territoire français d’ici 2022 - et ceux de formation de la population à ces nouveaux outils, son potentiel pourra progressivement se décliner dans de multiples secteurs affectés par les inégalités d’accès. En voici quatres exemples.
- L’éducation peut en tirer profit. S’il n’est pas une fin en soi, le numérique peut par exemple accompagner des mesures visant à réduire l’échec scolaire en primaire, l’objectif incontournable de l’Institut Montaigne depuis sa création (dédoublement des classes de CP par exemple). Il est important d’équiper en priorité les territoires où se concentre l’échec scolaire. Dans le rapport Le numérique pour réussir dès l’école primaire, plusieurs propositions visent à stimuler la production de techniques pédagogiques numériques, tout en repensant la formation des jeunes enseignants et la formation continue.
- En santé, l’innovation peut bénéficier en priorité aux territoires peu denses, par exemple à travers la télémédecine qui permettra au personnel médical de réaliser des consultations à distance. La récente note de l’Institut Montaigne sur ces enjeux témoigne du potentiel de l’IA dans ce secteur : celle-ci peut, par exemple, combler le manque de personnel médical dans certains établissements de soin et offrir aux personnel dit "fonction support" un nouveau rôle à plus forte valeur ajoutée humaine. Cette note permet, en outre, aux pouvoirs publics de mieux anticiper les évolutions des métiers en proposant des formations adaptées.
- L’industrie française gagnerait aussi à réaliser sa mue numérique : seuls 13 % des dirigeants de PME et ETI françaises considéraient en 2017 la transformation numérique comme une priorité stratégique. Le rapport au digital et à l’innovation est variable selon les territoires : il faut réussir à ramener l’innovation en régions et non plus la concentrer dans les zones métropolitaines. Londres concentre 69 % des scale up anglaises, et Paris attire 72 % des champions français (27 pays sur 42 concentrent plus de 70 % de leur startup les plus matures dans une seule ville). Dans un secteur comme celui du tourisme, étudié par l’Institut en 2017, le levier du digital est indispensable pour comprendre finement les besoins des touristes. Si la France reste une destination phare des touristes internationaux, elle ne capitalise pas suffisamment sur ce statut alors que le numérique permettrait de développer des offres nouvelles, plus claires, et plus attractives.
Une plus forte coopération entre public et privé
Se réconcilier avec le secteur privé est une deuxième nécessité, tant ce dernier peut contribuer à la réduction des inégalités sociales et territoriales : cette plus forte collaboration peut être illustrée par trois exemples.
- Longtemps crédité d’un excellent niveau d’infrastructures et de services de transports, notre pays présente des signes de dégradation préoccupants. Ce constat, réalisé par l’Institut en novembre 2012 (!), demeure particulièrement d’actualité. Pour y porter remède, l’incitation à une plus forte collaboration entre secteurs public et privé, sous une forme contractuelle, de partenariats public-privé ou de délégations de service public, peut permettre au secteur public de dépasser les contraintes budgétaires qui limitent aujourd’hui ses investissements, tout en garantissant un niveau satisfaisant de service pour les citoyens. Les partenariats public-privé permettraient aussi de renouveler l’environnement et les infrastructures publiques à disposition des touristes, renforçant ainsi l’attractivité du territoire français.
- Dans son rapport ETI : taille intermédiaire, gros potentiel, l’Institut Montaigne et le METI s’étaient penchés sur le cas des PME de croissance et des ETI, sources principales de création d’emploi sur le territoire. Cinq axes de travail avaient été identifiées, et plusieurs propositions formulées pour lever les freins à leur développement : parmi eux, faire connaître les ETI auprès des lycéens et étudiants, adopter un discours positif sur la création d’emplois en mettant en avant les réussites individuelles sur le plan local et régional afin de renforcer la culture entrepreneuriale, faire réaliser par chaque région une cartographie des ETI présentes sur son territoire ou encore s’appuyer sur ces dernières pour structurer une offre de formation professionnelle adaptée sont autant de pistes à suivre pour réconcilier l’écosystème entrepreneurial et les pouvoirs publics. Ces différentes mesures doivent s’accompagner d’une meilleure organisation de la part des entreprises, qui doivent pouvoir, par un effet d'entraînement et une plus forte collaboration, gagner en compétitivité et faire bénéficier les territoires de leur dynamisme économique renforcé.
- Ces 25 dernières années, l’industrie française a perdu 1,4 million d’emplois. En 2016, l’industrie ne représentait plus que 10,2 % du PIB français (baisse de 20 % en 15 ans), contre 14,4 % en moyenne dans l’Union européenne. L’industrie du futur pourrait constituer une opportunité unique de rendre l’industrie française plus attractive et compétitive. Mais celle-ci ne pourra émerger sans une forte collaboration entre secteurs public et privé : dans un rapport récent sur le sujet, l’Institut Montaigne préconise la création à l’échelle locale de centres d'accélération de l’industrie du futur, en lien étroit avec les régions.
Une action publique plus efficiente et équitable
L’action publique, enfin, peut être rendue plus efficace afin de bénéficier à l’ensemble du territoire, et de permettre une réduction des inégalités d’accès. La redistribution en France est moins efficace qu’en Allemagne : le lissage des inégalités entre France et Allemagne est semblable, mais ces dépenses de redistribution sont plus coûteuses en France (+ 5 points de PIB), elles sont donc beaucoup moins efficientes. Nous devons améliorer les effets redistributifs de notre système social sans en augmenter les dépenses, mais en en améliorant l’utilisation. Nous avons établi trois moyens pour y parvenir.
- Dans le rapport Dépenses publiques : le temps de l’action, l’Institut Montaigne réaffirme la nécessité d’une diminution des dépenses des collectivités locales. Celle-ci passe par plusieurs étapes de simplification et d’autonomisation. Il est par exemple envisageable de supprimer un niveau d’administration pour redonner des marges de manœuvre aux collectivités et de fusionner les départements avec les régions pour redonner des marges de manœuvre à l’action locale dans un contexte de baisse durable des dotations de l’État et d’allègement de la fiscalité. Les régions, aujourd’hui sous-exploitées, doivent devenir un niveau administratif majeur : la formation professionnelle, par exemple, pourrait désormais faire partie de leurs compétences.
- Ce surcroît d’autonomie au sein des collectivités locales doit s’accompagner d’un encouragement à la différenciation. Le droit à la différenciation, encouragé dans le rapport Décentralisation : sortons de la confusion, existe depuis de nombreuses années. Il consiste en l’expérimentation d’une politique publique sur un territoire restreint en vue de son implantation à l’échelle nationale. Ces possibilités d’expérimentation pour les collectivités locales doivent être renforcées via :
- la reconnaissance d’un droit d’initiative des collectivités territoriales en matière d’expérimentation, par la création d’une procédure formelle de demande d’expérimentation publiée au JO ;
- la suppression de l’obligation de généralisation nationale ;
- la suppression de la limitation relative à la durée des expérimentations.
- Permettre d’expérimenter et d’innover est central dans de nombreux domaines : à titre d’exemple, le secteur de la mobilité pourrait en être l’un des grands bénéficiaires. Comme l’a souligné notre Baromètre des Territoires, le rapport des citoyens à la mobilité est à la fois contrasté et déterminant pour leur avenir professionnel et personnel. Ainsi, un quart des Français sont "Assignés" à leur territoire, et ce sentiment d’immobilisme forcé conduit à un fort pessimisme, ainsi qu’à un sentiment d’injustice marqué. Comme le préconisait le rapport Quelle place pour la voiture demain ?, il est donc nécessaire de promouvoir les nouvelles solutions de mobilité dans les villes de petite taille/taille moyenne comme l’autopartage, ou l’expérimentation de solutions intelligentes de transport dans les zones peu denses. Des services de VTC collectif, par exemple, seraient plus facile à implanter dans les territoires périurbains et ruraux, moins coûteux que des lignes sous-exploitées, et plus adaptées aux besoins de mobilité des citoyens.
Conclusion
Ces quelques pistes n’ont pas vocation à répondre à l’entièreté du débat sur les inégalités sociales et territoriales. Elles visent néanmoins à souligner la marge de progression conséquente qui demeure pour réduire le sentiment d’injustice sociale qui touche aujourd’hui près de sept Français sur dix. Le mouvement des Gilets jaunes, régulièrement présenté comme une opposition entre deux Frances - rurale et urbaine - est en réalité le résultat d’inégalités sociales, qui créent un sentiment de défiance des citoyens envers leurs institutions : dès lors, ces inégalités doivent impérativement figurer en priorité dans l’agenda des pouvoirs publics.
Pourquoi abandonner les services publics ?
Les fonctionnaires d'Etat sont embauchés à vie : activité puis retraite sont payés par l'Etat. Fermer une perception ou une école ne représente pas une économie pour l'Etat sauf à très long terme.
très passionant
Ne pas sous estimer le poids du pessimisme français , alimenté continûment par de la désinformation : un exemple, l'INSEE vient de démontrer que la mobilité sociale ne baisse pas - Insee premières 1739 - (contrairement à ce que prétendent les sondages).
Qui relaie cette étude? Pas même l'IMontaigne!
Excellent article ! Bravo !
il manque une réalité de base ,les inégalités de talents ,d'intelligence et de comportements,qui expliquent toutes las autres.
Ajouter un commentaire