En revanche, la Seine-Saint Denis, département contenant des quartiers qualifiés de “métropolitains”, et dont la quasi-totalité (92,8%) est considérée comme un désert médical par l’ARS compte 111 médecins généralistes pour 100 000 habitants (soit 26,9 fois moins que la moyenne nationale).
Ce constat est accentué sur la démographie des médecins spécialistes, 3,4 fois moins nombreux dans les QPV que dans le reste de la France. Les médecins pédiatres ou psychiatres de l’enfant par exemple se font plus rares dans les trois départements étudiés. En Seine-Saint-Denis, la densité de pédiatres pour 100 000 habitants est inférieure de 22,3 points à la moyenne nationale. Pour ce qui est de la psychiatrie de l’enfant, la densité médicale dans le Nord est 2,6 fois moins importante que la moyenne nationale.
Pour finir, les QPV sont caractérisés par un manque d’infrastructures de santé : en 2018, on comptait au sein des QPV 42 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et 209 centres de santé sur 1 048 MSP et 2 063 centres de santé à l’échelle de la France. Par ailleurs, les centres de soins spécialisés comme ceux en cancérologie sont également moins présents : ils nécessitent des expertises médicales et paramédicales de plusieurs spécialités et sont ainsi souvent concentrés dans les grands pôles.
L’enjeu du non-recours aux soins
Un autre phénomène accentue ces inégalités face à la santé : le non-recours aux soins. La notion de “non-recours” concerne des personnes éligibles à des prestations sociales qui n’en font pas le demande pour diverses raisons parmi lesquelles figurent :
- La complexité du système de prestations ;
- La complexité des démarches d’ouverture des droits ;
- Le manque d’accès à l’information sur les droits ;
- La maîtrise de la langue ;
- La crainte de la stigmatisation ;
- Pour certains étrangers, des critères de non-éligibilité.
Or, selon le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), “la politique de lutte contre le non-recours doit être réellement placée au centre des politiques publiques de prévention et de lutte contre la pauvreté”. Force est de constater que si le non-recours doit être au cœur des politiques publiques, dans les QPV, la situation est préoccupante. Le HCFEA estime que 43 % des bénéficiaires potentiels ne font pas valoir leurs droits à l’obtention du RSA socle et que 30 % n’ont pas recours à la CMU-C.
Pour donner quelques chiffres complémentaires, en QPV, la part des bénéficiaires de la CMU-C est quatre fois supérieure à la moyenne hexagonale et 11 % des habitants des QPV ne sont couverts par aucune complémentaire santé, privée ou CMU-C, contre 5 % dans les autres quartiers. Par ailleurs, 40% des habitants des quartiers prioritaires ont déclaré avoir renoncé à au moins un soin (optique, dentaire, consultation de médecin généraliste) pour des raisons financières contre 26 % dans les unités urbaines environnantes. Ce renoncement aux soins concerne avant tout les plus pauvres et constitue ainsi un enjeu fort au sein des QPV.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer l’état du non-recours aux soins dans les QPV : soit l’impossibilité d’y accéder en raison de contraintes élevées (perception ou réalité d’un coût élevé, indisponibilité du professionnel de santé, manque de temps, méconnaissance de l’offre de soins sur le territoire) ou bien le refus choisi du soin proposé (méfiance vis-à-vis de la médecine, préférence pour l’auto-médication et les soins domestiques, valorisation de l’endurance à la douleur). La précarité reste la principale explication au non-recours : elle aggrave toutes les contraintes. L’effet lieu a plutôt trait aux problématiques d’enclavement et d’isolement de ces quartiers, réelles ou perçues par les habitants. Le non-recours aux soins en QPV traduit aussi les difficultés du système de soin pour répondre aux attentes différenciées des habitants de ces quartiers.
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