Parmi les développements les plus préoccupants pour la projection de puissance américaine en Asie orientale, on doit d’abord noter la capacité antinavire longue portée de la marine chinoise. La Chine investit dans cette poche d’excellence puisque ses plans prévoient la construction en série du destroyer de classe 055 (deux sont déjà en service aujourd’hui), qui dispose de 112 cellules de lancement vertical, alliant puissance de feu et polyvalence. Dans les chantiers navals de Huludao, un sous-marin nucléaire est construit tous les 15 mois. À ce rythme, en 2030, la Chine disposera de 13 SNA opérationnels - une menace sérieuse contre les déploiements de marine étrangère au sein de la première chaîne d’îles. Ces développements dans le domaine naval ne doivent pas faire oublier que l’APL déploie déjà aujourd’hui un système de défense anti-aérienne qui compliquerait très sérieusement les opérations aériennes des États-Unis, alors même qu’il semble que son système le plus performant, les S-400 achetés à la Russie, n’est pour l’heure pas encore déployé sur sa côte orientale.
La fin de l’évidence de la supériorité aéronavale américaine à l’intérieur de la première chaîne d’îles contraint les États-Unis à penser la disposition géographique de leurs forces dans un périmètre plus large, à l’abri des missiles balistiques chinois, d’où l’importance de l’Australie ; mais aussi à accumuler les systèmes qui permettront de pénétrer la première chaîne d’îles, un environnement qui sera de plus en plus saturé de systèmes de défense chinois, d’où l’importance des SNA.
Maintenir une dissuasion crédible vis-à-vis de la Chine
Dans ce contexte, le défi est de convaincre la Chine qu’elle ne parviendra pas à ses objectifs politiques par la voie militaire. La capacité d’infliger des pertes très sérieuses à la marine chinoise en cas de conflit, si ce n’est la capacité à la "couler en 72 heures" comme le recommandait dans Foreign Affairs Michèle Flournoy - à un moment pressentie pour être secrétaire à la Défense de l’administration Biden -, devient alors le fil directeur du déploiement américain et allié en Indopacifique. Si de graves menaces pèsent sur la survie de sa marine, la Chine prendra-t-elle le risque d’une invasion de Taiwan ?
Les plans d’investissement de l’US Navy seront en effet insuffisants pour restaurer la suprématie américaine. Le plan de construction navale soumis par le département de la Défense au Congrès en décembre 2020 est pourtant ambitieux. Il prévoit un format de marine entre 382 et 466 bâtiments en 2051, pour un coût annualisé de 34 milliards de dollars par an, dont 4 % pour des systèmes sans pilote. Le budget annuel de l’US Navy passerait de 200 milliards de dollars aujourd’hui à 279 milliards en 2051. Ces plans révisent le format de marine à 308 bâtiments adopté en 2015, et celui de marine à 355 bâtiments adopté en 2016.
C’est parce que cet investissement n’est pas suffisant que le département de la Défense de l’administration Biden aura tendance à chercher un alignement allié sur cette posture de dissuasion à l’égard de la Chine. Cette nécessité affleure avec la notion de "dissuasion intégrée" (integrated deterrence).
Ajouter un commentaire