L'Indonésie fait partie d'un petit groupe au sein de l'Assemblée générale des Nations unies chargé d’agir en faveur de la résolution du conflit, mais nous disposons de peu d’informations concernant la taille, les membres ou les motivations de ce groupe. Retno Marsudi, ministre indonésien des Affaires étrangères, a diffusé un communiqué de presse sur les déplacements effectués fin juin par le Président Joko "Jokowi" Widodo en Ukraine et en Russie, pour encourager une résolution du conflit. Mais ces déplacements étaient davantage motivés par des intérêts domestiques et économiques, notamment par la nécessité de libérer les infrastructures de stockage et de transport de produits agricoles de base, tels que le blé et les engrais, l'Indonésie étant l'un des principaux importateurs de céréales ukrainiennes, elle a besoin d'un approvisionnement stable en blé pour maintenir la production d'aliments transformés, notamment les nouilles instantanées.
Il s'agit de la première visite de ce type d'un dirigeant asiatique. Elle est notamment due au fait que l’Indonésie assume officiellement la présidence du G20 en 2022. Dans ce contexte, elle doit prouver sa capacité à présider. Le plaidoyer de Jokowi en faveur de la paix s'explique par le fait que l'Indonésie cherche à éviter que la guerre ne déstabilise encore davantage une économie mondiale qui vacille déjà en raison de la pandémie de Covid-19. Son déplacement indique également que l'Indonésie soutient le groupe de travail à des résolutions pour l’Ukraine. Cela dit, on parle peu de cette initiative à Jakarta. Le public n’est pas informé des tenants et des aboutissants de l’appartenance de l’Indonésie à ce groupe, et l’intérêt des citoyens pour les questions de politiques étrangère est faible.
Il y a eu des signalements faisant état d’un soutien d’une partie de l’opinion publique indonésienne à la Russie, notamment sur les réseaux sociaux. Comment expliquez-vous ce soutien, malgré le vote indonésien en faveur de la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies du 2 mars ?
L'opinion publique indonésienne est connue pour défendre une position traditionnellement anti-occidentale en matière de politique étrangère. Ce sentiment a émergé au début de l'ère post-coloniale, et s’est confirmé durant la guerre froide et le début du XXIe siècle. Il s’est inscrit dans une lutte plus vaste contre la colonisation européenne et les tentatives américaines de déstabilisation du gouvernement indonésien. Le sentiment anti-occidental a ensuite été renforcé par l’instabilité politique permanente, entretenue par le rôle central et confidentiel de la CIA lors de la révolte PRRI-Permesta à la fin des années 1950. Avec la chute de Sukarno en 1967, les États-Unis ont resserré leurs liens avec le Président Suharto, ce qui a profité aux élites mais pas au peuple. Le pays considère également que le système capitaliste apporté par le nouvel ordre mondial, bien que bénéfique pour certains, est préjudiciable à la majorité. En outre, l'engagement des États-Unis dans les guerres en Irak et en Afghanistan a été perçu comme une attaque à l’encontre de la communauté musulmane, alimentant une méfiance exacerbée à l'égard de l'Occident.
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