Tous les procès peuvent être tenus en secret, et en cas de nécessité les jurys remplacés par trois juges – et pour cela la mention d’un "jury" par tout document légal de la RAS sera comprise comme recouvrant aussi celle d’un juge ! Ceux-ci peuvent être révoqués en cours de mandat si leurs propos contredisent la Loi Fondamentale. Le champ d’action commun du Conseil de sécurité de la RAS et de la Commission de Sécurité nationale rattachée au gouvernement central inclut les organisations étrangères, ONGs et agences de presse à Hong Kong. La poursuite, les procès et procédures, l’exécution des peines pour les crimes relevant de la LSN seront menés par le Parquet populaire suprême (最高人民檢察院) du gouvernement central et selon le Code de Procédure Criminelle de la RPC dans trois cas : si une influence étrangère est constatée, s’il y a un empêchement des juridictions de la RAS, s’il y a une menace "grave" pour la sécurité nationale.
Tout ceci concerne quatre crimes retenus de la façon la plus large, et passibles de l’emprisonnement à vie : la sécession et son apologie pour "toute partie du territoire de la RPC" (et donc aussi de Taiwan) ; la subversion de l’autorité de l’État, y compris en "faisant obstacle" à l’autorité de celui-ci et du gouvernement de la RAS, mentionné séparément ; le terrorisme, y compris la destruction de véhicules ou l’interférence grave avec un service public ; la collusion avec des forces étrangères, y compris dans l’application de sanctions ou de blocus contre la Chine, ou de faire obstacle à l’élaboration et l’application de lois.
Nous n’avons fait ci-dessus que citer brièvement un texte dont de nombreux aspects laissent des portes ouvertes. Mais ce texte est en phase avec les lois et règlements extrémistes adoptés ces dernières années par le gouvernement central : par exemple, menacer les entreprises étrangères appliquant des sanctions décrétées par un gouvernement étranger contre la Chine fait désormais partie de l’arsenal juridique chinois. Il était par contre difficile d’imaginer que le PCC et Xi Jinping iraient si loin et dans toutes les directions : le texte institue une insécurité juridique complète à Hong Kong, et un état d’exception pour les actes de la Sécurité chinoise. Et il renverse la présomption d’extra-territorialité sur laquelle Hong Kong a fondé son existence. Désormais, cette loi peut être appliquée à un non-citoyen, non-résident pour une infraction à la loi commise à l’étranger.
C’est par rapport à la radicalité de ce texte que les réactions française et européenne, à cette heure, paraissent bien insuffisantes.Réclamer la garantie des droits individuels et de la Loi Fondamentale n’a désormais aucun sens : la LSN s’y réfère cyniquement tout en les violant sans retenue. Autant citer la Constitution soviétique de 1936, faite à la main de Staline mais imprégnée du vocabulaire des Lumières. C’est bien la violation de la Loi Fondamentale, un traité international conclu avec le Royaume-Uni et déposé auprès de l’ONU, qu’il faut dénoncer. Le Parlement européen, lui, a voté par 564 voix contre 32 (et 64 abstentions, dont celle du Rassemblement National) pour intenter une action auprès de la Cour de Justice Internationale. Il est plus dans le vrai que ceux qui se contentent d’exprimer leur "préoccupation" ou, d’une manière ambigüe, leur "attachement" au principe "Un Pays, Deux Systèmes". Ces termes étaient depuis l’origine très ambigus, et la LSN se sert encore de cette ambiguïté tout en mettant fin à l’autonomie prévue par le slogan et par la Loi Fondamentale.
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