La République populaire de Chine ne lâchera pas Hong Kong, et optera pour l’effacement des différences entre Hong Kong et le reste de son territoire. Dans ce contexte, les protestations de masse qui rassemblent les Hongkongais constituent le dernier sursaut de Hong Kong en tant que ville libre. Le mouvement ne peut espérer obtenir qu’un simple ralentissement de l'érosion des normes hongkongaises, mais qui sera accompagné par une pression croissante de la part de Pékin - qu’elle soit économique, sociale ou par de la brutalité pure et simple.
Que devraient faire les démocraties ? Elles ne se sont guère mobilisées dans le cas de la région du Xinjiang, où un nombre incalculable de musulmans locaux dépérissent dans des camps de rééducation : en dépit de tout le mépris qu’ont à son égard les libéraux, Donald Trump est le seul à avoir effectué des gestes symboliques importants.
Les démocraties ne peuvent revenir de manière unilatérale sur les principales dispositions de l'accord de rétrocession, qui a été approuvé au niveau international. Donald Trump l'a exprimé avec la simplicité qu’on lui connaît : "ils (la Chine et les Hongkongais) devront s'en occuper eux-mêmes". Avant de s’indigner de ces propos, écoutons d’abord le silence qui émane d'un grand nombre d'interlocuteurs occidentaux de la Chine. Au mieux, notons cette déclaration commune de Federica Mogherini au nom de l’Union européenne et du gouvernement de Justin Trudeau dénonçant "un nombre croissant d’incidents violents inacceptables" avant d’appeler les parties à "faire preuve de retenue". La France et l'Allemagne sont restées extrêmement discrètes, voire mutiques dans leurs réactions. Pourtant, s'il y a bien une situation attestant du rejet par le Parti communiste chinois de toute dérive vers la démocratie, c'est bien l'impasse actuelle à Hong Kong.
La prudence de ces réactions est en partie explicable, sinon justifiable. Nous devons nous garder d’encourager la population de Hong Kong à aller vers une protestation violente : à partir d’un certain point, cela reviendrait à un suicide assisté, face auquel l'Occident restera spectateur. Si les militants hongkongais ne peuvent obtenir qu'un soutien symbolique, il est préférable qu’ils le sachent. Il y a des objectifs réalistes, et nous devons chercher à les atteindre, même s'ils ne sont que défensifs : protéger nos systèmes démocratiques des politiques d'influence menées par le Parti communiste chinois est déjà une tâche ardue. La mise en place d'une ligne de défense contre l'économie chinoise dirigée par l'État, qui utlise cyniquement l’ouverture des économies de marché, est aussi suffisamment délicate, compte tenu des intérêts spéciaux qui font du lobbying en faveur de la Chine.
Ceci dit, il y a tout de même une ligne minimale à tenir. Nous pouvons et devons exprimer de la sympathie, y compris celle de nos gouvernements eux-mêmes, à l'égard de demandes locales qui seraient considérées comme naturelles dans toute démocratie. Au-delà de cette position morale, il y a une réalité qu’il convient de souligner à Pékin : le statut durable de Hong Kong en qualité de membre de l'Organisation mondiale du commerce et territoire douanier distinct, tout comme son statut de plaque tournante financière entre la Chine et le monde, sont largement conditionnés par une autonomie administrative et juridique vis-à-vis de la Chine. Si la Chine pousse effectivement Hong Kong "dans l'abîme", pourquoi les partenaires de la Chine devraient-ils s'accrocher à un statut que la République populaire détruit ? Si la Chine renverse la table, devons-nous prétendre que les règles sont inchangées ? Si Pékin, en utilisant le projet de Shenzhen et la Greater Bay, réduit l'autonomie de Hong Kong à une niche financière et commerciale bien commode, pourquoi les autres devraient-ils se prêter au jeu?
L'impasse hongkongaise va sans doute se prolonger, sous la forme d’un jeu du chat et de la souris. Ce scénario reste infiniment préférable à un dénouement violent. Il est peu probable que le gouvernement central puisse réprimer rapidement les manifestations sans recourir à la force. Il nous revient au moins de rappeler à l’Etat-parti chinois que les avantages tirés par la Chine de Hong Kong sont dépendants d’une autonomie véritable. Shenzhen, ou n'importe quelle zone économique spéciale dans la stratégie chinoise, ne peuvent pas se prévaloir de celle-ci.
Copyright : Manan VATSYAYANA / AFP
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