Enfin, c’est à une concurrence des systèmes économiques que l’on assiste. La lutte contre le réchauffement climatique est aussi une compétition entre l’économie sociale de marché et le capitalisme d’État et leur régime politique associé (démocratie libérale pour le premier et autocratie pour le second), qui prend des allures de course contre la montre pour savoir quel système parviendra le plus rapidement et le plus efficacement à définir et à orienter les processus de transformation nécessaires.
Protection climatique : des conflits en puissance
La compétition avec la Chine qui se joue autour des technologies climatiques va aussi renforcer la concurrence pour l’accès aux matières premières critiques. La demande en cobalt, en lithium et en terres rares va monter en flèche. La Chine pratique une politique économique extérieure offensive et étend son emprise sur de nombreuses mines étrangères, sans compter qu’elle détient elle-même de nombreuses matières premières cruciales, comme les terres rares, sur son territoire. De nombreux pays sont dépendants des ressources chinoises et Pékin ne rechigne pas à actionner ce levier géopolitique : en 2010, lors d’une crise diplomatique avec le Japon portant sur les îles Diaoyu-Senkaku, revendiquées par les deux pays, Pékin a fait usage de cet instrument en suspendant les exportations vers son rival. La politique climatique entraînera à coup sûr des litiges commerciaux, à commencer par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières que l’Europe prévoit de mettre en place, et qui obligera les entreprises étrangères exportant vers l’UE à payer une taxe en fonction de la teneur en carbone de leurs produits. Pékin s’est d’ores et déjà déclaré hostile à cette mesure.
Les deux visages de la politique climatique chinoise
Sur le terrain géopolitique, la Chine se sert aussi de ses actions climatiques pour gagner en attractivité et s’attirer la reconnaissance internationale. L’an passé, la déclaration de Xi Jinping à l’Assemblée générale de l’ONU, annonçant que la Chine voulait atteindre la neutralité carbone d’ici 2060, a fait grand bruit. L’UE était particulièrement fière d’avoir recommandé peu auparavant à Pékin de se fixer un tel objectif. Mais cette annonce de Xi Jinping n’était pas qu’un coup d’éclat sur la scène de la politique climatique : c’était aussi une habile manœuvre géopolitique, qui a permis à la Chine d’éclipser les dénonciations de la situation à Hong Kong. De surcroît, elle a eu valeur de signal à la communauté internationale puisqu’elle a fait savoir que la Chine entendait jouer un rôle de leader international dans ce domaine - que le gouvernement Biden sonne le retour des États-Unis dans la politique climatique ou pas.
Malheureusement, entre les annonces et la réalité, le fossé est énorme. Certes, Pékin s’octroie le titre de suprême défenseur du climat, mais dans le même temps, la moitié des centrales à charbon prévues dans le monde entier sont construites sur son territoire. De même, le programme de relance mis en place par la Chine après la crise du Covid-19 est resté jusqu’ici très timoré en matière de développement durable. La Chine mène une politique fossile, et surtout en dehors de ses frontières. La Belt and Road Initiative ou "Initiative ceinture et route" (anciennement "nouvelles routes de la soie"), offensive chinoise de création d’infrastructures associant plus de 60 pays, essentiellement d’Afrique, ignore pour ainsi dire les impératifs climatiques. À l’extérieur de la Chine, 70 % de toutes les centrales à charbon sont financées par des banques chinoises. Et dans la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB), dominée par Pékin, plus de la moitié des investissements dans le secteur énergétique profitent aux énergies fossiles.
Face à Pékin, instaurer une "realpolitik climatique"
La Chine est et reste un acteur important dans la lutte contre le réchauffement climatique, cela ne fait aucun doute. Mais la concurrence systémique qui caractérise l’ordre mondial actuel n’en reste pas moins d’actualité. En effet, la Chine utilise ses efforts en faveur du climat à des fins d’hégémonie, pour prendre un leadership économique et technologique, pour créer des dépendances ou encore pour s’assurer une influence internationale.
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