Sur le vieux continent européen, les Russes procèdent par ailleurs depuis le début mars à une concentration de forces militaires massive en Crimée, se mettant en posture d’intervenir dans le Donbass. Les tirs d’artillerie échangés avec l’Ukraine se font plus nombreux et plus longs. Les intentions russes paraissent peu claires : s’agit-il de contrer une évolution interne à l’Ukraine qui va contre leurs intérêts ? de répliquer au durcissement de Washington, tel qu’illustré par l’épithète de "tueur" décernée à la télévision le 16 mars par M. Biden à M. Poutine ? d’anticiper les sanctions finalement annoncées par les États-Unis le 15 avril, qui elles-mêmes constituent un réplique aux attaques cyber russes et aux interférences de la Russie dans la dernière campagne électorale américaine ? Ou finalement, de faire comprendre que l’Amérique ne pouvait pas se désintéresser de son ancienne némésis ?
Lors d’un second coup de fil avec M. Poutine, M. Biden fait part le 13 avril de sa préoccupation sur la situation en Ukraine et propose à son homologue russe une rencontre au sommet cet automne en pays tiers ; le Kremlin "étudie cette proposition".
Un des rares éléments positifs, dans ce sombre panorama, réside dans les discussions indirectes qui ont commencé à Vienne entre les États-Unis et l’Iran sous les auspices des autres parties signataires à l’accord nucléaire sur l’Iran (JCPOA). Personne ne s’attend à des résultats rapides dans ce cadre mais le fait même que des négociations aient lieu permet d’espérer un minimum de stabilisation de la situation au Proche-Orient. Or le 11 avril, un acte de sabotage généralement attribué à Israël interrompt l’activité de la centrale nucléaire de Natanz, fleuron du programme iranien. L’Iran décide, à titre de riposte, de passer à un enrichissement de son uranium à 60 % - ce qui la rapproche encore plus de l’arme atomique et ajoute une difficulté supplémentaire aux discussions de Vienne.
Israël n’hésite donc pas ainsi à pousser ses pions en contradiction avec l’agenda de l’administration américaine ; de même, en contradiction avec son partenariat avec la Russie en Syrie et en Libye, la Turquie de M. Erdogan a fourni à l’Ukraine des drones qui font leur première apparition au-dessus du Donbass le 12 avril. Dans un geste typique des "guerres de connectivité", Moscou interrompt, sous un prétexte sanitaire qui ne trompe personne, les déplacements aériens entre la Russie et la Turquie. Le "partenariat stratégique" entre Kiev et Ankara avait commencé dès 2019.
Les États-Unis et l’Europe
Une partie des tensions actuelles n'est-elle pas due, comme le disent certains commentateurs, à une attitude indûment offensive de l’administration Biden ?
Le nouveau président, en qui beaucoup avaient vu un centriste ployant sous le poids des ans, soucieux avant tout de poursuivre le retrait américain des affaires du monde, surprend certes par un dynamisme remarquable sur le plan international comme sur le plan interne. Formée de professionnels, son administration s’attendait - et s’était sans doute préparée - à une inévitable période de "test" avec ses adversaires. Et surtout, elle avait sans doute retenu une leçon de l’administration Obama : laisser sans réponse les atteintes chinoises aux droits de l’homme au Xinjiang et à Hong Kong, ne pas poursuivre un nécessaire rééquilibrage commercial, technologique, géopolitique avec la Chine, fermer les yeux sur les dérives du régime poutinien, tout cela n’aurait fait qu’affaiblir davantage l’Amérique et inciter ses rivaux à agir.
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