Il s’agit là d’un second scénario, peu différent en termes de résultats du premier que nous avons décrit, mais plus confortable puisqu’évitant la cascade de sanctions économiques qu’impliquerait une attaque contre l’Ukraine.
Il est probable que le président Poutine n’a pas choisi entre ces deux scénarios. Lui-même et ses porte-paroles soufflent comme d’habitude le chaud et le froid, un jour se félicitant de la réaction des Occidentaux, un autre n’hésitant pas à les accuser de se préparer à attaquer le territoire russe depuis l’Ukraine. Le Kremlin attend évidemment de voir ce que sera la stratégie de l’administration américaine. M. Biden - lui-même un revenant de la guerre froide - a en tête de son côté un troisième scénario : il perçoit sans doute les faiblesses de la position russe derrière les rodomontades de son homologue ; il escompte probablement qu’une vraie discussion, sans doute difficile, si jamais elle devait se révéler productive, peut dans l’absolu aboutir à un "give and take", une transaction, permettant de restabiliser les données de la sécurité en Europe.
La dimension intérieure russe
Dans quelle mesure la politique intérieure russe constitue-t-elle un facteur ? Pour certains, la préparation de sa réélection en 2024 apparaît comme l’une des motivations de Vladimir Poutine. Il a besoin de redorer un blason singulièrement terni par la gestion calamiteuse du Covid-19 par le Kremlin (un million de morts en Russie, un des pires résultats dans le monde). Un nouveau succès en Ukraine, quelle que soit sa forme (agression ou négociation réussie), remplirait cet objectif. D’autres relèvent au contraire que toute aventure extérieure serait impopulaire dans l’opinion russe actuelle. Cela relativiserait le risque d’une option militaire ; les autorités de Moscou font en effet preuve de prudence quand il s’agit de prendre l’opinion à rebrousse-poil, ce qui est d’ailleurs une des causes de la faiblesse de la campagne de vaccination dans le pays.
À tout cela, on peut opposer que depuis plusieurs années maintenant, depuis en tout cas les premiers mois de 2020, le pouvoir poutinien est engagé dans une stratégie de verrouillage de plus en plus complet de la société russe. Une répression implacable s’est abattue sur les partisans de M. Navalny. Les médias indépendants sont en voie d’élimination. La mise à mort de l’association Memorial et de son centre pour les droits de l’Homme marque une sorte de point de non-retour dans l’asphyxie de tout esprit d’indépendance à l’égard du pouvoir.
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