Le taux d’épargne financière des ménages est passé de 4,6 % du revenu fin 2019 à 19,5 % fin juin, du jamais vu, tandis que les actifs liquides des entreprises non financières (numéraire et dépôts) ont augmenté de 41 Mds d’euros au cours du premier trimestre (+317 % en un an), alimentés par d’abondants crédits bancaires. Le choc initial est avant tout un choc d’offre, qui, progressivement, entraîne un déficit de demande, non pas faute de revenu, mais en raison d’anticipations sombres de la part des entreprises et des ménages et d’un degré très élevé d’incertitude, bref, d’un déficit massif du facteur "confiance".
C’est à cette aune qu’il faut juger le plan de relance : contribuera-t-il à rétablir la confiance des entreprises et des ménages ?
Commençons par les ménages. Leurs principaux sujets d’inquiétude sont l’emploi et, fait surprenant révélé par l’enquête ménages de l’Insee, la crainte d’une envolée des prix (inflation). Le plan de relance devrait atténuer les craintes sur l’emploi, puisqu’une partie significative est allouée à la subvention du chômage partiel et à l’incitation à l’embauche des jeunes (14,3 Mds), et que les diverses aides et subventions ciblées aux entreprises, comme les subventions à la rénovation des bâtiments (6,7 Mds) ou les subventions aux technologies vertes (9 Mds) devraient aboutir à des créations d’emploi, comme le rappelait Jean Castex dans sa conférence de presse. Mais soyons réalistes : les ménages français ne seront véritablement rassurés sur l’emploi que lorsqu’ils percevront que l’activité économique revient sans ambiguïté à la normale. De ce point de vue, ce ne sont pas les 30 Mds précédents qui changeront grand-chose. Quant à la crainte d’une flambée des prix exprimée par les ménages, on ne voit pas bien ce qui l’apaisera. En baissant temporairement le taux de TVA, le gouvernement allemand s’est montré bien plus offensif : non seulement la baisse éteint la crainte de l’inflation, mais, puisqu’elle est temporaire (jusqu’à fin décembre), c’est une forte incitation à consommer précisément au moment où il faut relancer la machine. Il serait d’ailleurs possible d’aboutir à un résultat similaire sans débourser un sou, par exemple en autorisant une période de soldes exceptionnelles jusqu’à la fin de l’année, ce que le gouvernement n’a pas jugé utile de faire.
Passons aux entreprises. Le plan leur fait la part belle, par des subventions ciblées, par des injections de capitaux propres là où ils sont vitaux, et par la baisse de certains impôts à la production (moitié de la CVAE et taxes foncières) qui, selon Bruno Le Maire, devrait bénéficier principalement aux petites et moyennes entreprises. En soi, la baisse de certains impôts à la production est une bonne chose pour les entreprises, bien que, lorsqu’ils sont la contrepartie de l’utilisation d’infrastructures publiques, ils soient justifiés – de ce point de vue on ne comprend pas bien pourquoi le plus absurde des impôts de production, la C3S (4 Mds en 2019) serait maintenu. Mais revenons au sujet de la relance : la baisse de 20 Mds des impôts à la production sur deux ans incitera-t-elle les entreprises à investir plus ? La question est cruciale, car non seulement l’investissement productif a beaucoup souffert de la crise, avec un risque sur la productivité à moyen et long terme, mais aussi parce que lors de toute reprise, c’est l’investissement qui en est la composante la plus dynamique.
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