La France et l'Allemagne ne partagent pas non plus la même conception d'une Europe de la Défense. Pour l'Allemagne, il ne s'agit pas d'opposer le renforcement des capacités de défense de l'Europe et l’engagement au sein de l'OTAN, bien au contraire. C'est pour rester un partenaire crédible des États Unis au sein de l'alliance atlantique que l'Allemagne (et l'Europe) doivent investir massivement dans leur défense. Berlin reste par ailleurs sceptique vis-à-vis des projets français d'Europe de la Défense, dans la mesure où ceux-ci apparaissent encore trop souvent comme un moyen pour Paris de privilégier ses propres industries alors que les États-Unis restent le principal garant de la sécurité de l'Europe.
La position allemande est par ailleurs ambiguë en ce qui concerne sa relation avec la Chine. La crise ukrainienne lui a ouvert les yeux sur le risque de dépendance d'un régime autoritaire. Le gouvernement fédéral encourage ainsi les entreprises allemandes à ne plus dépendre trop exclusivement du marché chinois. Mais la récente visite à Pékin du Chancelier allemand en compagnie d'une délégation commerciale et sans associer le Président français, a suscité de l'inquiétude et de nombreuses critiques en France. Pour Paris, la dépendance de l'économie allemande à l'égard de la Chine reste, malgré des débats constructifs au sein de l'Union Européenne, une entrave à l'affirmation d'une véritable souveraineté européenne.
Finalement Paris et Berlin se reprochent réciproquement de faire "cavalier seul". On l'a vu lorsque Emmanuel Macron a annoncé unilatéralement, début janvier, la livraison de chars de combat légers à l'Ukraine, amenant Berlin et Washington à annoncer la même décision à peine quelques heures après.
Quelles seraient les mesures concrètes qui pourraient permettre de relancer le dialogue entre Paris et Berlin ?
Paris et Berlin devraient pour commencer prendre conscience que leur éloignement fragilise la crédibilité du couple franco-allemand en Europe. Vis-à-vis des pays d'Europe centrale et orientale, les deux puissances sont restées trop longtemps aveugles à la menace que représentait la Russie de Vladimir Poutine. Leur incapacité à définir aujourd'hui une position commune vis-à-vis de cette agression - incapacité manifestée avec éclat lors de l’annonce par Emmanuel Macron de l'envoi de chars de combat en Ukraine à peine 24 heures avant l'annonce de cette même décision par Olaf Scholz et le président américain Joe Biden - donne le sentiment que les deux puissances européennes ne sont pas à la hauteur du drame qui se joue aux frontières de l'Europe.
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