La réduction de cette ambition témoigne à première vue des réticences de l’Allemagne à s’engager dans une véritable politique spatiale européenne, et ce alors que le BDI, la puissante fédération de l’Industries allemande, tenait le 18 octobre à Berlin son congrès spatial (Weltraumkongress) afin de présenter les implications du spatial pour l’économie de demain. Il appelait le gouvernement allemand à élever ses investissements dans le spatial au même niveau que la France, à renforcer l’autonomie stratégique européenne et à se saisir de la dimension symbolique de la politique spatiale. Le conseil des Ministres franco-allemand de Toulouse a cependant permis la définition d’une feuille de route commune en vue de la conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne (ESA) qui se tiendra en novembre prochain et durant laquelle les deux pays devraient notamment présenter leur projet d’une mission robotique commune vers la Lune, utilisant l’intelligence artificielle pour démontrer la puissance du leadership technologique européen.
Le conseil des ministres de Toulouse a enfin rappelé le soutien des deux pays à la mise en place de la nouvelle Direction générale de la Commission européenne consacrée à l’espace et à l’industrie de défense, annoncée en septembre par Ursula von der Leyen, et que Paris s’attache avec insistance à maintenir dans le portefeuille du prochain Commissaire français.
Conclusion
Compte tenu de la crise institutionnelle que traverse actuellement l’Europe, le conseil des ministres franco-allemand aurait pu apparaître comme un exercice purement formel. La difficulté des deux pays à réaliser une ambition commune s’exprime ainsi dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), dans la mesure où le projet de centre franco-allemand pour l’IA est désormais relégué derrière la simple mise en réseaux des centres nationaux et le financement de projets conjoints. En parvenant à acter quelques avancées significatives dans des domaines stratégiques, ce conseil a tout de même manifesté la capacité du couple franco-allemand à poser les bases d’une nouvelle dynamique européenne.
Comme l’a montré le Conseil européen des 17 et 18 octobre, l’Europe reste encore largement pour la France et pour l’Allemagne "un sujet d’incompréhension"(Luuk van Middelaar). Sur la question de l’élargissement de l’Union européenne à l’Albanie et à la Macédoine, sur celle du budget européen de long terme ou de la mise en place d’un budget de stabilisation pour la zone Euro, sur celle enfin du recours au chinois Huawei pour équiper l’Europe en 5G, la France et l’Allemagne sont encore loin d’avoir accordé leurs positions.
On observe pourtant une évolution : à l’issue du conseil des ministres, le Président français et la Chancelière allemande ont reçu à Toulouse la nouvelle Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Une rencontre des trois exécutifs, hautement symbolique, qui dessine peut-être les contours du nouveau leadership européen : celui de gouvernements français et allemands cherchant à dépasser leurs différends pour avancer sur des projets concrets, afin de soutenir l’agenda stratégique de la future Commission.
Copyright : Guillaume HORCAJUELO / POOL / AFP
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