Le Royaume-Uni semble quant à lui avoir le plus grand nombre de besoins non satisfaits. En effet, 4,5 % de la population britannique aurait des besoins médicaux non satisfaits, alors qu’en Allemagne seule 0,3 % de la population se considère dans cette catégorie. En France et en Suède, ce chiffre s'élève respectivement à 1,2 % et 1,4 %.
La question de l’équité du système de soins peut se mesurer avec la part des dépenses publiques par rapport aux dépenses totales de santé. Bien qu’aucun État ne couvre la totalité des dépenses de santé, la contribution publique est de 85 % des dépenses totales en Suède, 79 % au Royaume-Uni, 78 % en Allemagne et 77 % en France. À contrario, aux États-Unis, les dépenses publiques représentent à peine 51 % des dépenses totales de santé, le rendant enclin à des plus grandes inégalités.
En termes de facteurs de risque, cependant, c’est la France qui se retrouve à la dernière place. Des cinq pays sur lesquels nous nous sommes penchés, elle est celui avec la plus grande proportion de fumeurs journaliers. Ceux-ci représentent en effet près de 24 % de la population, soit presque deux fois plus qu’en Suède et aux États-Unis. En ce qui concerne la consommation d’alcool, la France est à nouveau en tête du classement avec 11,4 litres consommés par habitant. Ces chiffres font écho à la faible part qu’occupent les dépenses liées à la prévention en France : moins de 2 % des dépenses de santé contre une moyenne de 3,1 % pour l’OCDE. Ce manque de prévention a aussi pour conséquence une perte d’autonomie précoce chez nos seniors : l’espérance de vie sans incapacité est ainsi de 64,5 ans pour les femmes et 63,4 ans pour les hommes en 2018.
À quoi servirait une "Grande sécu" ?
Ces comparaisons internationales soulignent la diversité des modes de financement et d’organisation des systèmes de santé. Tous ont leurs forces et faiblesses : les systèmes nationaux de santé nous montrent qu’un "tout public" complexifie l’accès aux soins, les systèmes d’assurance maladie ne permettent pas d’assurer une couverture pour l’ensemble de sa population, tandis que les systèmes libéraux en excluent une immense partie.
Notre système de santé français présente l’un des restes à charge les plus faibles d’Europe, néanmoins l’accès aux soins (financier comme organisationnel) apparaît de plus en plus complexe à nos citoyens. D’après le Baromètre des Territoires, réalisé par l’Institut Montaigne en collaboration avec Elabe en 2019 (et donc avant la crise sanitaire), 31 % des Français cumulent un accès compliqué ou nul aux services de soins et un renoncement ou retard de soins par manque de moyens financiers. Par ailleurs, en 2021, 37 % d’entre eux déclarent avoir l’impression de vivre dans un désert médical.
Ces défis ont été soulevés durant les débats autour de la Grande Sécu opposant Assurance maladie et organismes complémentaires. Le système actuel génère des coûts de gestion importants et exclut en effet les plus modestes de soins pris en charge par des mutuelles. Cette réforme mettrait ainsi fin à cette dualité propre au système de santé français, en élargissant le périmètre de la Sécurité sociale et en réduisant drastiquement, de fait, celui des mutuelles. Pour autant, ce projet n’adresse en rien les problématiques structurelles du fonctionnement en silo de notre système de santé ni des déterminants des inégalités de santé liés aux modes de vie.
Une part prépondérante des remboursements des soins hospitaliers au détriment des soins les plus courants : comme décrit plus haut, notre système national d’assurance maladie rembourse très bien les soins hospitaliers et laisse aux organismes complémentaires et aux ménages une part conséquente du financement des soins de ville et des autres biens médicaux (optique, dentaires, prothèses auditives, etc.). Cette faible rémunération des acteurs de ville contribue au fonctionnement en silo de notre système de soins et n’incite pas les acteurs à l’introduction de la qualité dans leur pratique.
Les mutuelles jouent un rôle important pour faire face aux enjeux de demain en matière de santé. Elles ont un rôle complémentaire à l’Assurance maladie en proposant des services de santé publique tels que des programmes de prévention ou encore l’accompagnement du vieillissement et de l’autonomie à domicile. Ces services doivent être renforcés et s’inscrire dans une logique nationale de santé publique. Très présentes et actives à l’échelle territoriale, les mutuelles ont ainsi la capacité de développer des programmes adaptés aux besoins de santé de leur population en collaboration étroite avec les acteurs du territoire.
Co-écrit avec Kenza Sabri, Assistante chargée d’études.
Copyright : Fred DUFOUR / AFP
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