Mais ceux qui soutiennent le retrait ont eux aussi leurs arguments. Le but premier de l’opération de 2001 était d’empêcher la création d’un sanctuaire du djihadisme international : ce fut une réussite, et l’on peut douter que les talibans permettront à Al-Qaeda de se reconstituer sur le sol afghan, ne serait-ce que parce que cela compromettrait la manne de l’assistance internationale. (Rappelons que l’émir d’Afghanistan est traditionnellement le suzerain du chef d’Al-Qaeda.) C’est en vertu d’un accord signé en février 2020 que le retrait américain a lieu : ne pas le respecter aurait mis en cause la parole de Washington. Rien à voir avec le Vietnam : les États-Unis ne quittent pas l’Afghanistan épuisés et sous la contrainte. Nous ne sommes plus au temps de la "doctrine de Guam" proclamée par Richard Nixon : ils ne se retirent pas de la région et le départ de leurs forces américaines laisse au contraire le Pentagone plus libre de se concentrer sur la Chine. Aucune conséquence majeure à craindre pour les alliances traditionnelles de l’Amérique : elles restent solides, fondées sur des intérêts mutuels réels, et généralement appuyées par des traités. Quant aux puissances voisines, leur priorité est d’éviter le développement du djihadisme sur leur territoire (et en profiter pour piquer l’Amérique), mais elles ont bien souvent joué avec le feu en soutenant les talibans - on pense notamment à l’armement russe - et le retour de bâton pourrait être brutal. Il semble bien d’ailleurs qu’en privé, les dirigeants russes et chinois soient en fait quelque peu inquiets de la rapidité du retrait américain, et ne voient pas d’un bon œil la résurgence d’un émirat fondamentaliste à leur frontière ou près de ce qu’ils estiment être leurs "zones d’influence"…
Qui dit vrai ? La prochaine crise internationale impliquant les États-Unis et leurs adversaires pourrait donner raison aux deux camps. Car celle-ci est déjà prévisible : la perception d’un affaiblissement américain ne pourra en effet qu’enhardir ses ennemis. C’est ce qui s’était passé après le "refus d’obstacle" de 2013 lorsque Barack Obama, au dernier moment, avait annulé le raid prévu pour sanctionner le régime syrien du fait de son utilisation massive d’armes chimiques. Il est difficile de penser que cela n’avait pas encouragé l’aventurisme russe et chinois, notamment. Gageons que cette fois, Washington réagira alors, peut-être même brutalement, ne serait-ce pour montrer que l’Amérique est toujours là… Cette prochaine crise impliquera l’Iran, la Chine, la Corée du nord, la Russie… ou un autre acteur.
Les intérêts de la France et la question migratoire
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