Peut-on, pour autant, aller jusqu'à dire que grâce au président français, c'est désormais "L'Europe qui est de retour" ? Il est ironique de constater que les premiers ministres hongrois, Viktor Orbán, et roumain, Liviu Dragnea, ont accueilli beaucoup plus favorablement les propositions contenues dans le texte du président français que Laurent Wauquiez, le leader du parti Les Républicains. Il est évident que dans le soutien des premiers et dans les critiques du second, il y a beaucoup de calculs tactiques. Ne pas heurter le chef d'Etat français de front pour les dirigeants hongrois et roumain, tenter d'exister pour l'un des chefs de l'opposition.
Retour du tragique
Mais l'essentiel est ailleurs. Le président français a réussi à mettre les opposants au projet européen sur la défensive. Le contexte international et européen lui a doublement servi. Les deux raisons d'être fondamentales de l'Europe, la paix et la liberté, ne vont plus de soi. Comme le dit en exergue de son propos Emmanuel Macron : "Il y a urgence." Une urgence dont les citoyens européens prennent peu à peu conscience. L'évolution géopolitique est la première raison de ce "relatif" retour en grâce de la cause européenne. La paix n'est plus garantie. La montée des populismes à l'intérieur même de l'Europe en est la seconde raison. La liberté est menacée.
Pendant près de trente ans, depuis la chute du mur de Berlin, l'Europe a été en quête d'un nouveau récit unificateur. Elle avait cru le trouver avec le projet Erasmus. L'Europe avait pour vocation de "faire des Européens". J'ai encore en mémoire des dîners avec le chancelier Kohl au milieu des années 1990, au Bungalow, le bâtiment très modeste derrière la Chancellerie à Bonn où le chancelier d'Allemagne recevait ses hôtes. Helmut Kohl, sur un ton presque lyrique, évoquait une Europe où la jeunesse unifiée par la pizza et les programmes d'échanges Erasmus allait, la bière aidant, devenir pleinement européenne. Le film de Cédric Klapish "L'Auberge espagnole", sorti en 2002, illustre avec humour et grâce ce moment européen qui perdure, mais n'a jamais été suffisant et ne bénéficie plus du même élan. Quand, en moyenne, un quart d'une classe d'âge n'a d'autre perspective que le chômage, l'idée de pouvoir librement manger de la pizza accompagnée d'une bière dans la plupart des villes d'Europe laisse un goût d'inachevé.
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