Seule la Suède fait figure d’exception. Si la recherche de "l’immunité collective" ne saurait définir officiellement la stratégie de l’État suédois, la Suède reste à ce jour le seul État à n’avoir pas imposé de confinement à sa population. Rompant avec l’approche des pays scandinaves, en particulier celle du Danemark, cette stratégie semble aujourd’hui contestée : au 4 juin 2020, le nombre de décès pour 100 000 habitants (45,8) dépassait celui de la France (43,2), plaçant la Suède au cinquième rang européen. Ce lourd bilan humain ne permet par ailleurs pas à la Suède d’éviter une récession, estimée en 2020 à 6,1 % du PIB - un chiffre moins négatif que ce qui est attendu, en moyenne, au sein de l’Union européenne (-7,7 % pour 2020), mais plus que l’Autriche (-5,5 %) ou la Pologne (-4,3 %), dont les mesures restrictives ont permis de protéger davantage la population.
À la croisée des approches italienne et suédoise, une solution pour maintenir l’activité économique tout en préservant un maximum de vies aurait pu résider dans le confinement des seules personnes à risques. Largement débattu dans plusieurs pays d’Europe, le confinement ciblé des personnes âgées de plus de 65 ans ne fut jamais mis en œuvre : seul le canton d’Uri en Suisse a tenté d’imposer cette mesure avant d’être rappelé à l’ordre par l’État fédéral. En Suisse pourtant, comme dans les autres pays d’Europe, l’âge moyen des victimes du coronavirus se situe autour de 80 ans.
La résilience des systèmes de santé
Tous les pays d’Europe ont poursuivi, de façon plus ou moins immédiate, le même objectif : aplanir la courbe des contaminations pour éviter la saturation du système de soins. Dans ce contexte, la solidité des systèmes de santé de chaque pays, et en particulier le nombre de lits d’hôpitaux disponibles, a joué un rôle essentiel dans la capacité des États à lutter contre l’épidémie.
À cet égard, le surgissement du virus a entraîné une remise en cause de certaines certitudes. Par exemple, le modèle social français bénéficiait jusqu’alors d’une réputation particulièrement positive en Europe : le déclenchement de l’épidémie a révélé que le nombre de lits en soins intensifs était cinq fois plus élevé en Allemagne alors que la part des dépenses de santé ramenées au PIB est similaire dans les deux pays. Pour de nombreux États, la crise du Covid-19 marque la fin des illusions : l’Espagne, persuadée de disposer du "meilleur système santé au monde", n’a pu éviter la saturation de son système de soins. Le pays présente aujourd’hui l’un des bilans humains les plus lourds du continent : 58,6 morts pour 100 000 habitants, peu après le Royaume-Uni (61,1), mais toujours loin derrière la Belgique (84,1). Ces chiffres sont néanmoins à prendre avec précaution, les méthodes de calcul pouvant différer entre les pays.
S’il faut ainsi souligner l’importance de la solidité du système hospitalier dans la gestion de l’épidémie, la principale leçon de la crise demeure une leçon d’humilité. L’analyse de la situation italienne, en particulier la comparaison des stratégies mises en place en Lombardie et en Vénétie, confirme une fois de plus qu’une approche fondée sur la prévention, c’est-à-dire, dans ce cas précis, le dépistage ciblé, s’avère plus efficace que le recours massif aux hospitalisations d’urgence.
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