L’objectif de la Commission est de s’assurer que les plans de relance nationaux comprendront bien une dimension environnementale, en conditionnant les aides au respect de critères environnementaux. Cette nouvelle conditionnalité, soutenue notamment par la député Franziska Brantner, porte-parole pour l’Europe des Verts au Bundestag, passe principalement par deux mécanismes : outre l’applicabilité du principe "do-no-harm", qui exclut le financement des investissements dans les énergies fossiles, une conditionnalité plus ambitieuse pourrait passer par un fléchage d’une partie de ces fonds sur certains secteurs clés en lien avec les priorités de la Commission, comme la rénovation du bâtiment, l’éolien en mer, ou l'hydrogène. Plus significative encore, une révision de la politique européenne de concurrence pourrait conduire à assouplir le régime de contrôle des aides d’État (aujourd'hui suspendu) pour permettre aux États européens de subventionner les entreprises d’un secteur jugé stratégique pour la transition écologique. On assiste ainsi à une véritable transformation au niveau européen : au dogme de la libre concurrence se substitue désormais celui de la protection du climat.
L’Allemagne a présenté début juin un plan de relance national d’un montant de 130 milliards d’euros, accordant une place importante à la protection du climat. En quoi ce plan de relance est-il susceptible d’inspirer la France dans la définition de son plan de relance qui devrait être présenté à la rentrée ?
L’ambition climatique du plan de relance allemand est incontestable et a fait l’objet d’une analyse détaillée par le think tank allemand Agora Energiewende. Ainsi, dans le secteur de la mobilité - en opposition aux mesures prises lors de la crise économique de 2008 - aucune prime n’a été accordée pour l’acquisition de véhicules polluants, alors que le plan de relance prévoit le doublement du bonus écologique versé par l’État allemand pour l’achat d’un véhicule électrique. Ce plan de relance est également marqué par le soutien spectaculaire au développement d’une filière allemande de l’hydrogène, et plus particulièrement d’hydrogène vert, produit par électrolyse à partir d’électricité renouvelable, l’Allemagne réservant près de 9 milliards d’euros au développement de cette technologie. Le secteur du bâtiment apparaît en revanche comme le parent pauvre du plan de sortie de crise, avec une seule ligne budgétaire pour la rénovation énergétique des bâtiments de 2 milliards d’euros...
L’exemple du plan de relance allemand est certes intéressant mais il faut se rappeler que sa définition s’inscrit dans un contexte économique et sociale qui n’est pas tout à fait comparable à celui de la France. Après la crise des gilets jaunes et face à une récession plus importante en France, l’objectif pour le pays est de définir des plans de relance "verts" qui ne soient pas attentatoires au pouvoir d’achat des ménages. Il ne s’agit donc pas de copier le plan de relance allemand. Cependant, comme le rappelle Carsten Rolle, le directeur du département Climat et Énergie de la Fédération allemande de l’Industrie (BDI), une meilleur coordination des plans de relance des deux pays est nécessaire pour permettre une véritable coopération européenne dans les secteurs clés comme l’économie de l'hydrogène ou l’éolien offshore.
Tout l’enjeu pour le gouvernement français est désormais d'identifier les leviers les plus utiles pour définir un nouveau modèle de croissance ou, comme l'exprimait le Président Emmanuel Macron, "bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier, la sobriété carbone, la prévention, la résilience qui seuls peuvent permettre de faire face aux crises à venir." Cette résilience de l’Europe face aux crises sera au cœur du "Forum de Genshagen" prévu en Allemagne en juin 2021.
Copyright : Tobias SCHWARZ / AFP
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