Les restaurationnistes sont en règle générale pour le retour des États-Unis dans des accords de libre-échange tels que le TTIP ou le TPP, sont moins disposés à utiliser le spectre de la Chine comme principe organisateur de cette politique car ils craignent que cela ne contribue à une nouvelle guerre froide, et sont plus timides en ce qui concerne les réformes de l’ordre financier ou économique mondial.
Repenser le Moyen-Orient
Le dernier grand débat se concentre sur la question du Moyen-Orient. Les démocrates centristes font ouvertement part de leur scepticisme face au haut niveau d’activité maintenu dans la région par les États-Unis depuis des décennies. Dans un article publié début 2019 dans Foreign Affairs, Tamara Wittes et Mara Karlin, qui ont servi dans l’administration Obama, écrivent que "bien que le Moyen-Orient soit toujours important pour les États-Unis, la région est beaucoup moins cruciale qu’elle ne l’a été". Début 2020, Martin Indyk, l’envoyé d’Obama pour la paix israélo-palestinienne, écrivait qu’après avoir défendu toute sa vie un rôle fort pour les États-Unis dans la région, il considère désormais que cela n’en vaut plus la peine.
Tous les trois défendent une revue à la baisse importante des objectifs américains au Moyen-Orient. Il ne s'agit pas seulement d'éviter des interventions militaires inutiles. En effet, certains de ceux qui veulent s'éloigner du Moyen-Orient reconnaissent la nécessité de poursuivre les opérations contre Daech ou ses affiliés, même s'ils veulent éviter des interventions plus longues et à plus grande échelle. Le but est principalement de revoir à la baisse l’engagement traditionnel américain, y compris envers ses alliés du Golfe. Il y a des opinions dissidentes dans le camp réformiste. Sullivan et Daniel Benaim, qui ont aussi servi dans l’administration Obama, défendent pour leur part une politique diplomatique plus ambitieuse et affirmée, pour forger un accord entre les grandes puissances de la région, dont l'Arabie saoudite et l'Iran, qui utiliserait plus de moyens de pression que l'administration Obama.
Les restaurationnistes se font discrets au sujet du Moyen-Orient. On peut penser qu’ils tenteront de reprendre le dossier là où Obama l’avait laissé, tentant de raviver l’accord sur le nucléaire iranien et travaillant avec les alliés des États-Unis pour contrer l’Iran et combattre l’État islamique. On pourrait également voir de nouveaux efforts afin de sauver la solution à deux États, sans que les États-Unis ne fassent pression outre mesure sur Israël.
Sur chacun de ces sujets — la Chine, la coopération entre démocraties, la géoéconomie, et le Moyen-Orient — le débat se joue entre ceux qui considèrent qu’il y a peu de raisons de changer en profondeur les postulats qui sous-tendaient l’approche d’Obama, et ceux qui en voient de nombreuses. Un aspect de ce clivage est générationnel, même si les lignes de démarcation sont floues. Les Démocrates 2021 ont tendance à être dans l’urgence ; en effet, ce groupe considère que le monde libre est en train de nous échapper et ne peut être sauvé que par un changement radical dans l’approche américaine, non seulement par rapport à Trump, mais aussi par rapport à Obama. Personne ne sait vraiment où Biden se positionne sur ces sujets — les deux positions sont compatibles avec sa vision du monde.
Les restaurationnistes et les Démocrates 2021 seront forcément représentés dans cette administration, mais il n’est pas sûr que des personnalités issues du camp de la réforme parviennent aux plus hautes positions dans l’équipe de sécurité nationale. Le plus probable est que ces clivages continuent au sein de l’administration Biden et façonnent à la fois les débats internes et le discours officiel.
Avec l'aimable autorisation du German Council on Foreign Relations (DGAP) (publié le 1er octobre 2020 sur le site Internationale Politik Quarterly).
Copyright : Sean Rayford / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
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