Au-delà de cela, la grande question est qu'Israël voit dans les pays du pacte de Visegrád des pays qui lui sont plus favorables que la majorité des pays de l’Union européenne sur la question des Palestiniens. Les quatre pays du groupe de Visegrád ont des positions très proches d'Israël car très proches de celles des Etats-Unis, et ce sont les pays les plus proches des Etats-Unis car ce sont ceux qui ont le plus peur de la Russie. Cela est très clair pour la Pologne, un peu moins pour la Slovaquie et la République Tchèque, un peu moins encore pour la Hongrie. Mais Israël voit dans ces pays un levier pour contrecarrer les pressions européennes anti-israéliennes sur le conflit israélo-palestinien. C’est une manière aussi pour le V4 (Pologne, Hongrie, République Tchèque et Slovaquie) de dire : "nous sommes de bons Européens". C’est, enfin, un paradoxe car Israël se rapproche de ces pays alors qu’ils ont le plus haut niveau d’antisémitisme. Tous ces pays flirtent donc avec la démocratie illibérale, comme pour dire : "démocraties illibérales, tendez-vous la main".
Peut-on s'attendre à un apaisement rapide de ces tensions par l'entremise de puissances étrangères ?
Deux pays peuvent jouer. Les Etats-Unis, d’abord, ne veulent pas voir deux de leurs alliés se disputer, et Varsovie et Jérusalem sont toutes deux proches des Américains. D’ailleurs, les Polonais ont demandé une base militaire américaine en Pologne sans même qu’il n’y ait de concertation avec les Européens. Les Russes ensuite, car il n’est pas certain qu’ils aient un quelconque intérêt à l’aggravation des tensions. Les Russes, au fond, ont et veulent des liens forts avec Israël, et Netanyahou visite d’ailleurs plus souvent Moscou que Jérusalem.
De l’autre côté, chez les Européens, certains - dont le V4 - sont des alliés inconditionnels d’Israël, tandis que d’autres sont très proches d’Israël mais demeurent très critiques vis-à-vis de son gouvernement. C’est le cas de la France et de l’Allemagne, avec néanmoins une plus grande difficulté pour ces derniers compte tenu de leur Histoire.
Je ne pense pas qu’il y ait, au fond, une réelle évolution de la position de la France. La diplomatie française met toujours l’accent sur le conflit israélo-palestinien, et le Quai d’Orsay considère que même si elle ne figure pas en tête de l’agenda diplomatique des nations, cette question est essentielle car rien ne peut être réglé dans la région sans elle. La sécurité d’Israël dépend donc de sa légitimité, qui elle-même dépend de l’entente avec les Palestiniens. C’est la position de la France, et, dans un autre registre, celle que défendait le romancier Amos Oz pour qui la clé de la paix était l’existence d’un État palestinien aux côtés d’Israël.
Quels signaux cet incident renvoie-t-il concernant la situation politique intérieure en Israël ?
Il faut garder à l’esprit le fait que les deux pays approchent de périodes électorales : le 9 avril pour Israël, et à l’Automne pour la Pologne. Les deux gouvernements sont donc en campagne sur cette question et ont intérêt à rallier leur électorat. Il y a donc des calculs de politique intérieure. L’apaisement ou le non-apaisement sera en partie fonction des élections israéliennes.
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