EN MATIÈRE D'INFRASTRUCTURE
Dès 2013, la France lancera le plan très haut débit en investissant assez largement dans une infrastructure en fibre avec un montant total de 20 milliards d’euros environ ; toutefois, les spécificités d’un territoire largement rural et aux caractéristiques géographiques variées, doublés d’une complexité de gouvernance de ce plan d’investissement, font que la France recule légèrement dans les classements liés à cet enjeu, la plaçant à la 25ème place sur les 27 pays membres de l’Union européenne. Cette mauvaise performance ne doit cependant pas occulter son très bon niveau de couverture en ADSL (97 % et 3ème du classement), à relativiser toutefois dans la mesure où 17 % des Français n’accèdent toujours pas au haut débit, soit pour des questions économiques, soit par déficit de compétences en matière numérique.
L’accès à internet reste fortement corrélé à la situation territoriale et le taux d’abonnement s’étend de moins de 60 % dans certains territoires délaissés où se comptent beaucoup de "zones blanches", à pratiquement 100 % dans la totalité des grandes villes françaises. Certes, la situation continue d’évoluer de façon rapide. D’une part parce que le régulateur français contraint fortement les opérateurs à investir, et d'autre part parce que l’avènement de la 4G et bientôt de la 5G facilitent considérablement l’accès des foyers se trouvant en zones blanches ou à accès ADSL limité. Toutefois, la 5G va à nouveau engendrer des fractures, puisque son déploiement se fera d’abord dans les grandes villes, qui jouiront d’un accès Internet plus rapide. Celles-ci deviendront immanquablement, dans le temps court, des zones d’expérimentation privilégiées pour tester les nouveaux services rendus possible par le réseau.
EN MATIÈRE DE COMPÉTENCES NUMÉRIQUES
Le taux d’illettrisme numérique français reste particulièrement corrélé à ces chiffres, démontrant si cela était nécessaire l’iniquité de situation existante entre les territoires métropolitains, ruraux ou même péri-urbain. En ce qui concerne l’usage de l’Internet dans les territoires ruraux, la Commission européenne place la France en 19ème position, tandis que selon le Syndicat de la presse sociale, le taux d’illectronisme (absence de maîtrise d’internet) s’établissait en 2018 à 23 %.
Au delà de la capacité à utiliser Internet, inégale sur les territoires, il existe également un décalage, au sein des zones urbaines, entre les personnes qui créent et comprennent le fonctionnement des nouveaux services numériques, et celles qui les utilisent. Ces dernières ont peu de visibilité sur les systèmes technologiques qui souvent prennent des décisions pour elles, ce qui accroît la défiance qu’elles peuvent avoir envers la technologie. Il en va ainsi du management algorithmique sur les plateformes de livraison, dont les règles restent encore peu compréhensibles pour les premiers intéressés.
On comprend donc pourquoi la notion de fracture numérique est en forte résonnance avec les revendications généralement émises par les Gilets Jaunes : sentiment de déclassement par rapport aux métropoles, craintes vis-à-vis d’un monde incompris, incapacité à accéder aux services publics, soit par manque d’accès, soit par manque de compétences numériques, lorsque ce ne sont pas les deux conjugués.
EN MATIÈRE DE SERVICES NUMÉRIQUES
Les services nationaux sont, par définition, identiques d’un bout à l’autre du territoire (déclaration d’impôts, état-civil, pièces administratives, etc.) et ne sont limités que par les deux points précédents (accès au réseau et compétences numériques). Trop souvent toutefois, la numérisation ne s’est pas accompagnée d’une refonte des services publics, mais plutôt d’une transposition telle quelle. Il en résulte des frustrations compréhensibles : des pièces complémentaires physiques, en papier, restent nécessaires, les services ne sont que rarement intégrés soit totalement exécutables en ligne, et le passage par un guichet dans une administration reste trop souvent impératif.
S’il n’existe pas à proprement parler une mesure de la qualité de l’expérience utilisateur des services publics numériques, il est surprenant d’observer la situation singulière de la France, l’un des rares pays où les administrés semblent craindre que le numérique complexifie leur rapport à l’Etat au lieu de le simplifier. Lors d’une conférence tenue en octobre 2018, des chercheurs du Think Tank Finlandais Solida observaient que la simplicité est un point déterminant dans l’adoption des services d’e-administration et soulignaient les importantes différences de complexité existants entre le portail fiscal finlandais Vero et son équivalent français, pourtant invariablement cité en exemple par les représentants de la fonction publique française comme une réussite. Sur Vero, la totalité des démarches fiscales finlandaises sont présentes et aisément accessibles. Nul besoin de l’assistance d’un conseil pour traiter ses obligations fiscales, le site en lui-même se résumant à quelques dizaines de pages et traite la quasi-totalité des rentrées fiscales de la nation. |
---|
Les services numériques de proximité sont dans une situation plus hétérogène dans la mesure où leur production dépend d’entités (conseils généraux ou régionaux, mairies…) qui ne sont que rarement coordonnées. Si les services numériques de certaines villes sont particulièrement performants (Lille, Lyon, Rennes, Toulouse, Bordeaux…), les services à destination des territoires péri-urbains et ruraux sont très largement moins qualitatifs.
Quelques acteurs de services publics, au premier titre desquels la Poste, ont toutefois investi ce segment, proposant une large palette d’offres, compensant la fermeture des bureaux locaux et au-delà redéployant une offre de proximité auprès des habitants ruraux : éducation, assistance à personnes âgées, gardiennage, etc. Le récent rattachement de La Poste à la Caisse des dépôts vise d’ailleurs à amplifier cette dynamique tout en l’articulant avec la Banque des territoires, qui met également le numérique au cœur de sa stratégie. Cette dernière vise en effet à développer une catégorie de services destinés aux acteurs territoriaux (administrations territoriales, bailleurs sociaux, notaires, etc.) à plus forte valeur ajoutée par le biais d’une plateforme numérique centralisée.
Enfin, la Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l’État (Dinsic) met en œuvre le programme Dcant, dont l’objectif consiste à créer une nouvelle catégorie de services numériques destinés aux administrés des collectivités territoriales. Pour l’instant, cette initiative se concentre sur les notions d’infrastructures numériques, alors que les services de proximité proposés restent limités.
Un parcours semé d'embûches
La numérisation des services publics s’est donc prioritairement concentrée sur les fonctions centrales pour lesquels les gains d’échelle étaient évidemment les plus importants. L’un des premiers de ceux-ci, on l’a vu, a été la déclaration d’impôts. Jusqu’à aujourd’hui, rares ont été les services numériques qui ont été créés spécifiquement parce qu’ils permettaient de promouvoir de nouvelles formes de services publics. Encore plus rares ont été les services à vocation territoriale qui donnent aux administrés le sentiment que de nouvelles politiques publiques les atteignent concrètement.
Or, les enjeux des territoires, l’actualité nous le rappelle sans cesse, sont immenses ; les principes d’égalité des chances qui sont consubstantiels de notre république y sont profondément ébranlés par la diffraction qui existe en matière d’offre de services publics génériques entre les métropoles et le reste.
Des services essentiels pour le bien-être des citoyens n’ont tout simplement pas même été envisagés. Qu’il s’agisse des services sociaux, de l’offre de transport ou encore de la rénovation énergétique, il ne fait que peu de doute que les plateformes numériques pourraient significativement aider à une amélioration de l’efficacité de l’offre. Or ces services restent pour l’essentiel équipés d’outils plus ou moins identiques depuis des décennies. La transformation de ces services pose des difficultés de différentes natures, ce qui rend son traitement particulièrement complexe.
Vous indiquez au début de votre article que "La transformation des territoires ruraux ne date pas d’hier... tandis que les actifs d’aujourd’hui continuent à migrer vers les villes, même si ce phénomène est à présent beaucoup plus lent et d’ampleur variable suivant les territoires. ".
le dernier rapport de l'Observatoire des territoires, qui porte sur les mobilités résidentielles en France (http://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/observatoire-des-territ…) montre très clairement que ce n'est pas le cas. A l'exception des étudiants, toutes les catégories d'âges et de CSP tendent à se déconcentrer, par le jeu des mobilités résidentielles.
Excellent résumé des grands défauts d'une France hyper administrée et centralisée. Pourtant, espoir, we can ...
Petit détail : il n'y a pas que Google dans la vie : Deepl traducteur fait mieux à mon avis que Google traduction. Quant au moteur de recherche, je vis très bien avec Qwant depuis plusieurs années en me passant complètement de Google.. Yes we can...
Ajouter un commentaire