Source : BDEW-Énergie Wasser Leben
(*) Nous avons ici préféré retenir les données de 2019, celle de 2020 étant trop distordues par la crise sanitaire pour fonder une comparaison.
Au total, si l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) reconnaît les efforts allemands dans la transformation du parc de production électrique, elle est plus circonspecte au-delà de ce périmètre : "les transports sont la cause principale du retard dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’obstacle majeur à la réalisation des objectifs climatiques allemands". "Au-delà des transports, le chauffage est responsable de 40 % des émissions de gaz à effet de serre et consomme la moitié de l’énergie… Ce secteur est fortement tributaire des combustibles fossiles (25 % de chauffage au mazout dans le secteur résidentiel du fait d’une faible taxation du mazout)". Une des difficultés pour accélérer des transferts d’usages vers une électricité en voie de décarbonation est la structure comparée des fiscalités : les prix élevés de l'électricité, dus aux prélèvements, aux redevances et aux taxes, empêchent d'utiliser davantage d'électricité dans le secteur du chauffage, en particulier dans un contexte de faible taxation des combustibles fossiles. Nous approfondirons prochainement cette question mais soulignons dès à présent que, selon l'AIE, le prix moyen de l'électricité pour les ménages allemands était, en 2019, supérieur de 68 % à celui des ménages français, de 52 % à celui des britanniques et de 156 % à celui des américains.
À l’évidence, les vraies difficultés de l’Énergiewende restent à venir
Cela d’autant que les dernières centrales nucléaires (qui produisent encore plus de 10 % de l’électricité consommée) seront mises hors circuit en 2022. Dans le prolongement, l’indispensable décrue des usages du charbon placera le système électrique sous pression accrue, tout en représentant un défi social majeur. De surcroît, la Cour des Comptes fédérale a réitéré en mars 2021 ses critiques à l’égard de la conduite du "tournant", pointant à la fois les tensions sur la sécurité d’approvisionnement et le prix de l’électricité et rappelant (dans le prolongement de ses alertes de 2016 et 2018) que l’acceptabilité sociale de l’Énergiewende est un enjeu critique (ce qui fera l’objet de notre 3ème article).
Certes, un tableau non moins préoccupant pourrait être dressé chez la plupart des États-membres de l’UE (à l’exception peut-être des pays scandinaves), et plus encore lorsque l’ambition Fit for 55 se traduira en objectifs nationaux et sectoriels (et nous ne perdons pas de vue que le Conseil d’État et le Haut Conseil pour le Climat viennent de pointer les insuffisances de la France dans l’action climatique). Mais, eu égard à la place de l’Allemagne dans l’UE (à la fois économiquement, industriellement et géographiquement avec des interconnexions électriques et gazières multiples), les conditions de mise en œuvre de l’Énergiewende constituent un sujet d’attention de tout premier ordre pour les Européens, notamment de notre côté du Rhin.
Ce qui nous conduira, dans le prochain article de cette série, à esquisser l’exigeant "cahier des charges" auquel devra se soumettre l’Allemagne pour viser la neutralité carbone en 2045 et dès à présent pour relever les défis des prochaines décennies.
Copyright : David GANNON / AFP
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