L’opération "Lava Jato" (ou "scandale Petrobras", affaire de corruption politique de 2014, qui touche à la fois l’entreprise pétrolière contrôlée par l’État, Petrobras, et les géants brésiliens du BTP - bâtiment et travaux publics) a par ailleurs considérablement terni l’image de Lula et de son parti, visant les responsables du Partido dos Trabalhadores (PT - Parti Ouvrier du Brésil). L’ancien président a finalement été condamné et envoyé en prison en 2018, avec l’incapacité de se représenter comme président aux élections cette année-là. Durant ces élections, Jair Bolsonaro, officier militaire à la retraite et homme politique, s’était opposé à l'implantation du PT et avait obtenu un soutien considérable de la population. Il s'est également engagé, ce qui le différencie des partis d’extrême droite en Europe, à ce que des militaires soient mobilisés pour redresser la situation du Brésil. Promesse tenue : après avoir remporté l’élection, avec un avantage considérable, on comptait davantage de gradés aux postes ministériels que pendant le régime militaire (plus de 50% de son cabinet).
Un an après son arrivée au pouvoir, le monde a été frappé par le Covid-19. La gestion de la pandémie par Bolsonaro a été l'une des plus désastreuses du monde. Sa politique de recherche d’une immunité collective a entraîné la mort de 700 000 Brésiliens. Plus de 50 % de son peuple désapprouve Bolsonaro au lendemain de la pandémie, générant l’émergence d'un véritable sentiment "anti-bolsonariste" dans le pays. Cependant, même si une partie considérable de la population était contre Bolsonaro, il n’y avait pas de candidat suffisamment robuste en face de lui pour prétendre gérer le pays différemment. C’est à ce moment là que la Cour suprême du Brésil a finalement examiné le cas de Lula. Elle annule les condamnations pour corruption à son égard en réalisant que le juge Sergio Moro chargé de l’enquête était "partial" (juste après avoir condamné Lula, il est devenu ministre de la Justice de Bolsonaro). Blanchi, Lula se retrouve en position de se présenter comme candidat aux élections suivantes.
Dès le premier jour de cette campagne électorale, nous avons assisté à un bras de fer entre deux candidats extrêmement populaires, aussi haïs qu’adulés par la population. Le Brésil est aujourd’hui un pays foncièrement divisé entre les camps "anti-PT" et "anti-Bolsonaro". C’est pourquoi nous arrivons fatalement à de tels niveaux de polarisation politique, reflétés par les résultats des élections du 2 octobre. Par conséquent, chacun des deux candidats, s’il est élu, devra composer avec une opposition extrêmement forte.
Sur la gestion du Covid, l’économie ou la déforestation de l’Amazonie, le bilan de Bolsonaro est catastrophique. Comment expliquez-vous qu’en dépit de ce bilan il ait réussi à récolter 43 % des suffrages ? Les réformes avancées par Lula, en particulier sur l’économie, seront elles en capacité de redresser le pays ?
Tout cela est exact, mais malgré ces éléments, il est essentiel de rappeler que Bolsonaro reste très populaire au Brésil. Sur sa gestion du Covid-19, certains Brésiliens étaient convaincus de l’iniquité des mesures de confinement et que la population devait retourner au travail le plus rapidement possible. D'autres considèrent qu’un retour du PT au pouvoir serait la pire chose qui pourrait arriver au Brésil, qui risquerait de devenir un "deuxième Venezuela". Une partie des conservateurs pensent également que le programme politique de Lula est globalement plus libéral, qu’il s’agisse d’instaurer des mesures "d'action positive" à l'intention de groupes défavorisées, de droits des femmes, d’avortement ou de valeurs familiales. Le Brésil reste un pays profondément conservateur, avec un pourcentage important de personnes en désaccord avec certaines opinions libérales.
Bolsonaro défend les valeurs conservatrices, familiales et religieuses auxquelles s'identifie une grande partie de la population brésilienne. Pendant son mandat, il a établi un lien puissant avec l'Église évangéliste qui se développe au Brésil.
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