L’augmentation fut plus faible sous Chirac (+ 6 points) mais le fait même que la dette ait augmenté malgré une forte croissance en France et dans le monde, en dit long sur l’addiction à la dette des dirigeants politiques français. Finalement, le moins dispendieux aura été François Hollande, avec une hausse de 7,8 points de la dette publique “seulement”, dans un contexte de très faible croissance.
L’addiction à la dette, talon d’Achille de l’économie française
À la fin de 2021, la dette publique brute française, calculée par l’Insee selon la norme Maastricht, s’élevait à 112,9 % du PIB, en nette baisse par rapport au pic du début d’année à 118 % grâce à la reprise conjointe de la croissance et de l’inflation, mais près de 50 points de PIB plus haute qu’au début de 2005 (66,8 %), soit plus du double de l’augmentation dans la zone euro (+ 26 points). Parmi les pays industrialisés, seuls le Japon (+ 79 points), l’Espagne (+ 76 points) et les États-Unis (+ 55 points) ont fait pire, les données pour ces pays comme dans la suite de cette note venant de la Banque des Règlements Internationaux.
D’excellents économistes comme Olivier Blanchard ont soutenu que les niveaux de dette publique atteints en France ou aux États-Unis (plus de 110 % dans les deux cas) ne présentaient pas de risques excessifs, en raison de la baisse historique des taux d’intérêts réels, jugée durable car liée au vieillissement de la population mondiale et à la préférence pour l’épargne qu’il entraîne. Il est vrai que, malgré le début de remontée des taux d’intérêt réels aux États-Unis, ceux-ci restent encore négatifs (- 0,65 % pour le taux à 5 ans le 12 avril, une fois déduites les anticipations d’inflation), donc bien inférieurs aux taux de croissance de nos économies, ce qui réduit automatiquement le fardeau de la dette. Pour autant, rien ne garantit que cette situation favorable dure : après une forte baisse des taux réels dans les années qui suivirent les chocs pétroliers de 1974 et 1979, la baisse des prix énergétiques de 1986 entraîna une hausse durable des taux d’intérêt réels, que le regain de croissance n’expliquait que partiellement. Il n’y avait pas de quoi inquiéter le ministre des finances de l’époque, car la dette publique n’était que de… 31,3% du PIB en 1986, mais le sommeil de son lointain successeur risquerait d’être plus troublé.
L’inquiétante augmentation de la dette des entreprises françaises
Dans le cas français, l’augmentation de la dette du secteur privé est encore plus préoccupante que celle des administrations publiques. La dette des ménages et des entreprises françaises a augmenté de 86 points de PIB depuis 2005, contre + 33 pour la zone euro et une quasi stabilité aux États-Unis (+ 8 points), en Allemagne (- 8 points), au Royaume-Uni (+ 3 points) ou en Italie (+ 9 points). La plus forte augmentation vient des entreprises (+ 58 points), dont la dette brute, à 164 % du PIB, surplombe désormais celle de tous leurs homologues des pays industrialisés à l’exception de la Suède. Or, à la différence des États, les entreprises sont bien moins outillées pour affronter de fortes variations des conditions de marché. Le pendant du pouvoir régalien d’augmenter les impôts pourrait être de relever les prix de vente plus que ceux d’achat, mais c’est un luxe dont ne bénéficient pas toutes les entreprises, loin de là. Pour assurer le service de leur dette, les entreprises ne disposant pas d’un pricing power suffisant, n’ont d’autre choix que de réduire les dépenses, au prix parfois d’une réduction de leur activité future. En réalité, un resserrement des conditions de crédit entraînerait une hausse des taux de défaut, avec cette particularité française que, les entreprises s’endettant souvent entre elles, par le biais du crédit commercial par exemple, des défauts en chaîne aggraveraient la situation.

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