De toute évidence, plutôt de force que de faiblesse. Le tournant de la Chine vers une dictature totale a bien provoqué deux événements majeurs : d’impressionnantes manifestations à Hong Kong, et un électorat taïwanais qui se détourne des relations entre les deux rives du détroit. Mais Xi et ses collègues se fondent sur une corrélation plus générale de forces. De la crise financière mondiale de 2008 à la crise de l'euro de 2011, et maintenant à la pandémie du coronavirus, un récit différent les tente : le déclin de l'Amérique, et plus généralement des démocraties occidentales, chaque crise produisant un nouveau rapport de forces en faveur du système chinois. En 2008, La Grande Transformation (1944) de Karl Polanyi était mentionné à l'Institut chinois des relations internationales contemporaines (CICIR), le groupe de réflexion de la Sécurité d'État : le livre de Polanyi prophétisait le déclin de l'économie de marché à travers des crises successives. Puis, en 2013, Liu He, souvent jugé libéral et en tous cas l'expert le plus talentueux parmi les hauts dirigeants, publiait une longue étude soulignant que chacune des deux crises mondiales (1930 et 2008) avait augmenté la part de la Chine dans l'économie mondiale (Liu He, éd., Comparative Study of Two World Crises, China Economic Publishing House, 2013, en chinois). Très récemment, Xi Jinping déclare à un public universitaire de Xi'an que "cela fait 70 ans, maintenant nous sommes forts, maintenant nous sommes riches (...) les grandes étapes de l'histoire ont toutes été franchies après des catastrophes majeures. Notre nation s'élève et se transforme à travers les épreuves et les difficultés. Le peuple chinois est fier, à juste titre, de cette forme de confiance culturelle en soi".
On retrouve la patte stratégique de Xi dans le traitement de la crise de Hong Kong. Il a su mettre un terme aux tentatives de faire passer la loi sur l'extradition en octobre 2019, expliquant à l'école centrale du PCC que la politique doit être inflexible sur les principes, mais flexible selon les circonstances. Le mois suivant avait lieu la quatrième session plénière du Parti communiste chinois, focalisée sur les questions juridiques. Sa résolution mentionnait la mise en place d'institutions et mécanismes pour préserver la sécurité nationale à Hong Kong, un développement qui a fait peu de bruit à l'époque. Si Xi Jinping est capable de marquer un temps d’arrêt, il ne recule que rarement, voire jamais. En effet, la décision annoncée lors de la récente session de l’ANP rend inutile une loi d'extradition, bien qu’elle puisse tout de même se concrétiser à terme. L'inclusion probable du "terrorisme, séparatisme et interventionnisme" dans la loi est si large qu'elle rend Hong Kong aussi dangereux que la Chine continentale l’est pour ses détracteurs : cela s'applique en particulier aux Taïwanais, dont la principale liaison aérienne avec le monde extérieur passe par une escale à Hong Kong.
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