Depuis le printemps 2018, nous assistons à une lente agonie politique de la Chancelière. Elle ne peut faire avancer aucun dossier majeur et l’accord de coalition est si fragile que chaque dossier devient l’objet de négociations sans fin. Les maladresses deviennent immédiatement des faux-pas.
Les deux partis de la Grande Coalition représentaient 53 %, combinés, aux élections de septembre 2017 (33 % pour la CDU/CSU et 20 % pour le SPD) ; on est tombés, aujourd’hui, selon les sondages, dix points plus bas (28 % pour la CDU/CSU et 15 % pour le SPD). Les élections régionales de Bavière et de Hesse ont constitué, de ce point de vue, des sondages grandeur nature, qui confirment qu’une nouvelle élection nationale serait aujourd’hui un désastre pour les deux partis qui ont longtemps été les piliers de la vie politique allemande (en Allemagne de l’Ouest, ils rassemblaient 90 % des suffrages en 1972, 80 % en 1982, et encore 70 % en 2005). La droite dure de l’AfD semble s’être durablement installée aux environs de 15 %, essentiellement aux dépens de la CDU ; tandis que les Verts connaissent des gains de voix spectaculaires (pour 80 % aux dépens du SPD et 20 % de la CDU/CSU). Le FDP (les Libéraux) s’est installé solidement à 10 % des suffrages, avec le plus solide socle d’électeurs fidélisés de son histoire (7 %).
Le paysage politique est donc durablement fragmenté et va le rester. Si Madame Merkel quittait la Chancellerie en même temps que la direction du parti, il est probable que Wolfgang Schäuble deviendrait chancelier pour la fin de la législature. Il aurait la faculté de limiter les à-coups de la lutte pour la succession ; les chrétiens-démocrates referaient assez vite leurs forces. Dans tous les cas, la Chancelière se fait des illusions : elle n’arrivera pas à se maintenir, comme elle le pense jusqu’en 2021. Si elle restait, les Verts continueraient à monter ainsi que les Libéraux et l’AfD. Et le SPD stagnerait à 15 %. Mais en engageant la question de sa succession à la CDU, Angela Merkel a soulevé un couvercle qu’elle ne pourrait plus remettre en place, même si elle le voulait.
Le couple franco-allemand risque-t-il d'être en arrêt jusqu'en 2021 ? Quelle sera la politique européenne d'Angela Merkel jusqu'à la fin de son mandat ? Que peut-on espérer du prochain Chancelier sur les questions européennes ?
Madame Merkel laissera un souvenir mitigé du point de vue des relations franco-allemandes. Entre 2008 et 2012, c’est Nicolas Sarkozy qui a été à l’initiative de toutes les mesures prises par les deux pays pour combattre la crise. Durant le quinquennat de François Hollande, la résolution de la crise grecque a été laborieuse ; et, là encore, c’est le Président français qui a fait pencher la balance en faveur du maintien de la Grèce dans l’euro. Ne parlons pas de l’accueil massif des réfugiés, décidé sans aucune concertation avec le reste de l’UE, à commencer par le partenaire français. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, et surtout depuis le discours de la Sorbonne, on a attendu en vain une réponse de la Chancelière qui fût aux dimensions de la proposition. Bien entendu, la classe politique allemande est unanime – sauf un petit bout du SPD – pour refuser l’approfondissement de la zone euro. Mais on a souvent vu les Chanceliers aller contre la majorité au nom de l’Europe et des intérêts allemands. Angela Merkel, qui n’avait plus rien à perdre, n’a même pas essayé de sortir en beauté, par un plaidoyer européen. Non seulement elle ne fera plus rien mais elle laissera derrière elle une classe politique allemande qui ne bougera plus d’un iota sur la question de l’Europe monétaire.
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