Au moment même où l’industrie automobile européenne est sommée d’investir massivement dans sa transformation, elle fait face, en Allemagne, à une crise de confiance sans précédent. La mise en évidence en 2015 de manipulations opérées par Volkswagen pour réduire le taux d’émission de gaz toxiques de ses véhicules (le fameux Dieselgate) a coûté au premier constructeur automobile mondial plusieurs milliards d’euros. Le scandale, qui touche désormais les trois principaux constructeurs automobiles, Volkswagen, Daimler et BMW, contre lesquels plusieurs procédures judiciaires sont engagées, a largement ébranlé le consensus qui régnait jusqu’alors en Allemagne pour soutenir l’industrie automobile. En Allemagne se développe désormais une nouvelle forme d’"Autobashing" : plusieurs villes comme Hambourg, Berlin ou Stuttgart ont choisi d’interdire la circulation des véhicules diesel dans leur centre et les nouvelles générations renoncent de plus en plus à l’auto. Comme le montre un rapport de l’Institut Montaigne sur l’avenir de l’automobile, la part de jeunes Allemands disposant d’un permis de conduire se situe en dessous des taux français et californiens.
La plus grande crise de l’industrie automobile depuis la Seconde Guerre mondiale.
C’est donc une industrie fragilisée, économiquement et moralement, qui s’engage dans une lutte pour sa survie. Depuis le milieu du mois de mars, toutes les grandes usines automobiles d’Allemagne sont à l’arrêt : après Volkswagen et Daimler, l’entreprise bavaroise BMW s’est également décidée le 18 mars à fermer temporairement ses sites de production en Europe. À travers cette mesure, il s’agit d’abord de protéger les employés contre les risques de contamination, mais également de réagir à la contraction de la demande mondiale et à l’accumulation des stocks.
S’il est vrai que le rétablissement des frontières au sein de l’Union européenne commençait à peser sur les chaînes d'approvisionnement et de fabrication, il ne semble pas que l’épidémie ait eu un impact décisif sur la production. Comme le révèle un article du New York Times, la diffusion du virus en Asie ne s’est pas traduite par une interruption de la production automobile malgré l’importance des sites de production situés en Chine. Le coronavirus a ainsi impacté la Chine comme marché, plutôt que comme lieu de production et au regard de l’exemple allemand, il semble prématuré d’affirmer que la crise sanitaire impose de repenser le rapport de l’industrie à la mondialisation.
Le choc que subit aujourd’hui l’industrie automobile est moins un choc de production qu’un choc de demande. Selon la China Passenger Car Association (CPCA), la fermeture de la Chine au mois de février s’est traduite par un recul de 80 % des ventes d’automobile dans l’Empire du milieu. Le groupe Volkswagen, première entreprise automobile au monde, voit ainsi ses ventes sur la période diminuer d’un quart par rapport à l’an passé. Un choc de demande similaire devrait affecter le marché automobile européen dès lors que l’Europe est devenue à son tour l’épicentre de la pandémie.
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