En Algérie, le clan Bouteflika est chassé de la tête du pays. En Turquie, l'AKP d'Erdogan a "seulement" perdu du terrain dans les grandes villes. Dans les deux cas, la légitimité du pouvoir est profondément remise en cause, sur fond de récession économique et de revendications démocratiques.
Turquie, Algérie. Il est a priori parfaitement artificiel de comparer les événements politiques qui viennent d'intervenir au cours des derniers jours dans ces deux pays. Une simple défaite à des élections municipales pour l'AKP, le parti du président Erdogan, en Turquie ; la fin d'un règne, celui de la famille Bouteflika, en Algérie.
Il existe pourtant d'intéressantes comparaisons/oppositions à faire entre les deux situations : du rôle respectif de l'armée à celui de l'islam, en particulier.
Pour commencer, les événements qui viennent de se produire sonnent comme un avertissement pour les régimes autoritaires, ou ceux qui le deviennent toujours davantage. Ils sont particulièrement vulnérables aux retombées politiques et sociales des mauvais résultats de leurs économies.
Règlements de comptes
"Acheter" la stabilité de son peuple, comme le fit le pouvoir algérien au moment de la période dite des "printemps arabes", puis agiter l'épouvantail de la guerre civile n'a pas suffi à contenir la colère de la rue. Le pouvoir en place en Turquie peut se draper de l'étendard d'un islam conservateur mais modéré, et jouer de la nostalgie néo-ottomane d'une partie importante de son peuple, rien n'y a fait. La livre turque a chuté de plus de 30 %. La croissance et la prospérité ne sont plus au rendez-vous.
Vingt ans, c'est tout simplement trop, pour les deux pouvoirs, pour les deux pays. En Algérie, un AVC a fait du "Roi qui se meurt" un objet de pitié, sinon de risée. En Turquie, Recep Erdogan a perdu la confiance de ses électeurs non seulement dans la capitale Ankara, mais aussi dans la ville qui l'avait politiquement fait et lancé, Istanbul. Une page se tourne.
Le changement le plus spectaculaire, intervenu en Algérie, n'est pas nécessairement le plus significatif ou le plus important à terme. Ce qui se produit en Algérie en 2019 peut encore correspondre à une version - pour le moment pacifique - des événements qu'a connus la Roumanie en 1989 : un coup d'Etat maquillé en révolution. Il est trop tôt pour l'affirmer, mais célébrer la victoire du peuple est au mieux prématuré, au pis une dangereuse illusion. Le président a été démissionné, ses proches éloignés, et pour faire bonne mesure le "clan des affairistes" a été puni de manière très sélective. Mais on assiste plus à une forme de règlement de comptes sous la pression de la rue, entre les tenants du système, qu'à la disparition de celui-ci. L'armée a fait du clan Bouteflika un fusible facile, espérant ainsi gagner du temps.
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